Entre défis et réussites : ma vision du rôle de coordonnateur ULIS

Entre défis et réussites : ma vision du rôle de coordonnateur ULIS
31.10.2025 Réflexion sur Temps de lecture : 12 min

L’équipe d’Enfant différent a interviewé Cendrine Roure. qui nous présente ainsi sa vision du rôle de coordonnateur d’un dispositif ULIS

Être coordonnateur d’ULIS, c’est avant tout porter une double mission d’enseignant et de facilitateur, au service d’une école inclusive qui accueille et valorise la diversité des élèves.

Cendrine Roure

Introduction

Le rôle du coordonnateur d’ULIS est fondamental pour assurer la réussite scolaire des élèves à besoins éducatifs particuliers. Ses missions, riches et variées, s’articulent autour de la coordination pédagogique, de l’adaptation des pratiques et de la construction de liens entre les différents acteurs de la communauté éducative. Ce texte propose un panorama détaillé de ces missions, en mettant en lumière les spécificités liées à deux niveaux d’enseignement, le collège et l’école élémentaire, ainsi que les défis et richesses rencontrés par les coordonnateurs dans leur quotidien.

Comment définir les missions d’un coordonnateur d’ULIS ?

De manière générale, les missions d’un coordonnateur d’ULIS peuvent se regrouper en trois grands axes :

Être une personne ressource

Le coordonnateur est un référent pour l’ensemble de la communauté éducative.

  • Il fournit des informations, propose des méthodes et répond aux questions des enseignants, des familles et des partenaires.
  • Il oriente, conseille et soutient les équipes pédagogiques et les familles dans la compréhension des besoins spécifiques des élèves.
  • Il effectue également une veille documentaire et partage les ressources pertinentes avec les acteurs concernés.

Je cherche des infos pour moi-même mais aussi pour les familles. Ces infos se diffusent ensuite

Adapter et aménager

Le coordonnateur joue un rôle essentiel dans l’adaptation pédagogique afin de favoriser la réussite des élèves à besoins éducatifs particuliers.

  • Il conçoit et met en place des aménagements pédagogiques individualisés.
  • Il travaille avec les élèves, les familles et les enseignants pour créer un environnement scolaire favorable :
    – pour que les élèves aient envie de venir à l’école ou au collège,
    – pour enseigner efficacement et répondre à leurs besoins spécifiques.
  • En tant qu’enseignant de l’Éducation nationale, il a une double mission : enseigner et coordonner.

Tisser du lien

La mission du coordonnateur est aussi relationnelle et partenariale.

  • Il assure la liaison entre les familles, les enseignants et les partenaires extérieurs (orthophonistes, CMP, etc.).
  • Il occupe une position centrale dans le parcours scolaire de l’élève et veille à la cohérence des interventions autour de celui-ci.
  • Il joue un rôle transversal en valorisant les actions déjà mises en place par les partenaires et en favorisant la collaboration.

J’aide les enseignants à comprendre, à avoir un regard différent. On ne peut pas forcer les choses, alors elles se construisent par petites touches. L’important, c’est que ça essaime

« Cet essaimage se fait aussi en discutant avec les personnes périphériques. Les échanges d’expériences sont très riches et favorisent l’accueil de tous

Y a-t-il une différence entre les missions exercées en école élémentaire et celles au collège ?

Oui, il existe des différences notables dans l’exercice des missions d’un coordonnateur d’ULIS selon qu’il se trouve en école élémentaire ou en collège. Ces différences tiennent autant à l’organisation qu’aux possibilités d’inclusion.

En école élémentaire : une inclusion facilitée

  • L’inclusion est presque systématique. Quel que soit l’élève accueilli, une stratégie d’inclusion est toujours envisagée.
  • La dynamique d’équipe est essentielle : si la volonté est partagée, les obstacles sont surmontés collectivement.
  • L’organisation plus souple de l’école primaire facilite l’intégration dans les classes ordinaires.

En primaire, il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions ! On arrive toujours à trouver des espaces qui permettent l’inclusion

Au collège : une inclusion plus complexe et différenciée

L’inclusion au collège est rendue plus difficile par la structure même de l’établissement :

  • Une organisation par matière (maths/français/histoire/….)
  • Un plus grand nombre d’intervenants et des emplois du temps plus rigides.
  • La nécessité de prendre en compte plusieurs paramètres pour chaque élève.

Les inclusions se font donc de manière plus individualisée et réfléchie :

  • Les élèves sont inclus en priorité dans les matières fondamentales (français, mathématiques, histoire-géographie, parfois anglais).
  • D’autres disciplines peuvent être allégées ou exclues temporairement (physique-chimie, SVT), dans le but de préserver l’équilibre et le bien-être de l’élève.

On fait du sur-mesure, on aménage. Il faut que la scolarité reste confortable. Si on pousse trop sur l’inclusion, certains élèves peuvent être malmenés.

Un accompagnement renforcé au collège

Le coordonnateur est très présent dans les classes du collège afin d’assurer un suivi étroit :

  • Il se rend chaque semaine dans chaque classe de chaque niveau (6e à 3e), par matière (maths, français, histoire-géo, anglais).
  • Il observe les élèves en situation de cours, les soutient dans leur travail et assure le lien entre la classe ULIS et la classe ordinaire.
  • Il participe aussi à la préparation des épreuves, notamment pour les élèves de 3e (exercices, révisions, accompagnement individualisé).

Je vois les élèves dans un autre contexte que la classe ULIS. Ils passent des épreuves tous les vendredis matin… donc on révise ensemble

Un autre constat : une différence marquée dans la répartition des responsabilités entre le primaire et le secondaire

Une solitude plus marquée en école primaire

L’un des premiers constats que l’on peut faire en comparant les deux contextes est le sentiment de solitude plus fort en tant que coordonnateur ULIS en école élémentaire.

  • Même s’il y a une équipe (directeur, enseignants, AESH), le coordonnateur porte une grande part de la responsabilité seul.
  • En cas de difficultés, notamment avec certains profils d’élèves, toute l’attention se concentre sur lui.
  • Cela peut créer une pression importante : si le coordonnateur flanche, c’est toute l’organisation scolaire qui est fragilisée.

En primaire… tout le monde faisait le focus sur moi : ‘il faut que tu tiennes’. Si moi je ne tenais pas, pour les profs, pour le directeur, pour les AESH, ça devenait très problématique

Une responsabilité plus partagée au collège

Au collège, la structure hiérarchique et la diversité des professionnels impliqués contribuent à une répartition plus équilibrée des responsabilités :

  • Le coordonnateur n’est plus seul : il peut s’appuyer sur une équipe composée du chef d’établissement, de l’adjoint, des CPE (Conseiller Principal d’Education), des AED (Assistants d’Education), de l’assistante sociale, de l’infirmière, etc.
  • Les professeurs principaux jouent un rôle très impliquant dans le suivi des élèves, ce qui facilite la coordination et le partage des tâches.
  • En cas d’absence, l’organisation continue de fonctionner, ce qui allège la pression sur le coordonnateur.

Au collège… la responsabilité est partagée. Je ne me sens pas seule. Et ça, c’est génial. Si tu n’es pas là, c’est moins grave, ça va s’articuler quand même.

Un allègement de la charge mentale au secondaire

Cette organisation plus collective permet au coordonnateur ULIS de collège de se sentir plus serein dans ses missions :

  • Le poids mental de la responsabilité est moins centralisé.
  • Même si les inclusions sont parfois nombreuses et les parcours complexes, l’accompagnement est porté par une pluralité d’acteurs.

La charge mentale en primaire, ce n’est pas tout à fait la même que dans le secondaire. Au collège, je me suis sentie beaucoup plus légère

Au collège, l’arrivée en 6° étant un changement culturel pour tous les élèves, les élèves à besoins particuliers sont à fortiori bouleversés par la nouvelle organisation. Toutefois, même si les premiers temps peuvent paraître compliqués, grâce à une étroite collaboration avec les familles, les équipes pédagogiques et les partenaires, les élèves peuvent gagner en maturité, en autonomie. L’accompagnement de l’AESH du dispositif est alors primordial.

Toute scolarité en primaire comme en secondaire est rendue possible grâce à la présence et à la collaboration avec les AESH. Ces personnes, un peu trop souvent dans l’ombre des enseignants, sont essentielles.

Des dynamiques de travail différentes

  • En primaire, l’enseignant est souvent dans un « cocon » avec sa classe, les élèves restent fixes, les dispositifs sont moins segmentés.
  • Pour l’élève de primaire le format du dispositif avec une équipe enseignante plus restreinte et identifiée offre une scolarité plus rassurante.
  • Au collège, les élèves circulent entre les différents enseignements, ce qui permet une autre approche de l’inclusion mais aussi une diffusion des responsabilités.

L’enseignant du primaire est dans sa classe avec toujours les mêmes élèves, alors qu’au collège, les élèves vont d’un cours à l’autre

La classe du dispositif ULIS : un lieu de répit

Cendrine R. présente la salle du dispositif ULIS comme un véritable cocon au sein du collège. On y vient pour travailler, pour rejouer certains apprentissages, mais aussi pour souffler.

Les élèves y sont regroupés selon leurs besoins : remédiation, reprise de notions, ou simplement temps calme. L’ambiance y est apaisante : ballons ergonomiques, fauteuils à bascule, tour à méduses lumineuse, diffuseur d’huiles essentielles…

C’est une zone de répit, de détente… même les élèves le disent : ça sent bon dans ta salle ! Et au collège, je vous jure, c’est un vrai luxe !

Cet espace offre aussi la possibilité de décrocher momentanément, sans jugement, pour revenir ensuite avec plus de sérénité.

Un dispositif qui profite à tous

Bien que destiné aux élèves notifiés par la Maison Départementale des Personnes Handicapées, le dispositif rayonne bien au-delà.

Quand je vais en inclusion pour aider mes élèves, je finis souvent par soutenir aussi les autres.

Le coordonnateur : un rôle de repère adulte

La stabilité de l’enseignante joue un rôle central. Présente depuis 12 ans sur le secteur, elle connaît les familles, les contextes, les réseaux.

Ce lien de confiance permet un suivi plus fluide, une écoute active, et un rôle de repère pour des jeunes parfois en perte de sens ou d’appui.

Je suis crédible parce que les parents savent qui je suis. Je n’ai pas besoin de refaire mes preuves chaque année.

Il faut tisser un lien suffisamment fort pour que les élèves osent dire ce qu’ils ont sur le cœur.

Travailler ensemble pour aménager

La réussite de l’inclusion passe par un travail collaboratif avec les enseignants du collège.

Certains professeurs adaptent leurs supports en plusieurs versions, d’autres demandent des conseils pour créer des documents plus accessibles.

Ce travail d’ajustement devient une culture commune. La coordination repose sur la confiance et une volonté collective d’avancer.

Gérer les relations au collège

La cour de récréation est souvent révélatrice des tensions, surtout au collège. Certains élèves du dispositif y sont moins à l’aise.

J’ai une élève qui passe ses récrés aux toilettes pour éviter les interactions

Des aménagements sont donc mis en place : éviter les attroupements, limiter les passages en intercours, présence renforcée en début d’année…

Et malgré les troubles, les autres élèves apprennent à ne pas réagir aux provocations. L’inclusion enseigne aussi la tolérance et la compréhension de la différence.

Un élève en 5e avec un TSA était mutique l’an dernier. Cette année, il parle… mais dit parfois des choses très choquantes. Les autres ne réagissent plus systématiquement

Ce travail d’ajustement devient une culture commune. La coordination repose sur la confiance et une volonté collective d’avancer.

Préparer la sortie du dispositif

À la fin du collège, les parcours divergent. Les choix sont mouvants, parfois flous. Le lien avec les familles est alors essentiel, car ce sont elles qui valident l’orientation. Et la réalité géographique, la disponibilité des structures, compliquent encore les parcours

Ce qu’ils veulent faire, ce qu’ils peuvent faire, ce qu’ils savent faire… Et ils ne sont qu’en 3e. C’est difficile à concilier.

Conclusion

Au-delà des adaptations pédagogiques, le coordonnateur agit comme un véritable trait d’union entre les familles, les enseignants et les partenaires, contribuant à créer un environnement bienveillant et stimulant. C’est un engagement exigeant mais profondément enrichissant, qui favorise le bien-être et la réussite de tous les élèves.

Tous les enseignants (peut être encore plus particulièrement en REP+) s’accordent à dire que les adaptations ne bénéficient pas uniquement aux élèves qui sont dans le dispositif.

On sait aujourd’hui que tout le monde n’apprend pas de la même façon. Pourtant, on reste souvent sur un seul modèle

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