Qu’est-ce que l’accessibilité ?

Qu’est-ce que l’accessibilité ?
02.01.2025 Réflexion sur Temps de lecture : 8 min

Le terme accessibilité ne se pare pas de lettres de noblesse aussi dorées que le mot inclusion. Alors que ce dernier s’impose comme un impératif de justice et d’égalité dans les discours politiques et militants, dans les textes législatifs et réglementaires ainsi que dans les instruments juridiques, l’accessibilité demeure plutôt associée à des contraintes et à des normes. Pourtant, elle constitue une condition essentielle pour construire une société inclusive, car sans accessibilité il n’y a pas d’inclusion.

Cet article est un extrait de l’article publié dans le bulletin de l’Observatoire Québécois des Loisirs (Volume 22, numéro 4 – 2024). Vous trouverez un lien vers l’intégralité du bulletin en bas de page. Nous remercions l’OQL pour la publication de cet extrait sur Enfant-différent.

Aussi commun que familier, le terme accessibilité cache une polysémie redoutable qui nuit à sa clarté. C’est pourquoi ce texte ambitionne de déconstruire l’accessibilité et de déterminer son essence et ses principes directeurs. Dans une approche  anthropologique qui dépasse les différences culturelles et les limites épistémologiques, cet article présente tout d’abord l’accessibilité sous l’angle de son étymologie et de sa constitution en tant qu’objet de recherche universitaire. Puis, comme l’illustre le schéma présenté dans le texte, il détaille une modélisation combinant la mise en accessibilité, mais aussi sa visibilité. Structurée autour du parcours utilisateur, cette modélisation combine la mobilité et l’usage à l’aide d’une série de facilitateurs architecturaux, matériels et humains visant à concrétiser l’accessibilité spatiale et l’accessibilité fonctionnelle. Ce modèle insiste également sur l’information et l’importance d’informer le public des facilitateurs disponibles pour favoriser son accueil.

Vers une proposition de définition de l’accessibilité

Un peu d’étymologie

D’un point de vue étymologique, l’accessibilité trouve sa source dans le mot latin accessibilis, dérivé de accedere, qui revêt plusieurs significations. Une première acception d’accedere fait référence à l’idée de parvenir à. Mais le mot signifie aussi s’approcher de quelqu’un, de quelque chose dans le sens de s’avancer ainsi que pénétrer dans un lieu, c’est-à-dire entrer, s’introduire à l’intérieur d’un bâtiment.
C’est dans le prolongement de ces deux dernières acceptions que se structure la définition contemporaine de l’accessibilité : selon le dictionnaire Hachette, l’accessibilité est la qualité de ce qui est accessible, c’est-à-dire « ce que l’on peut atteindre », « ce dont on peut s’approcher »

L’adjectif accessible conserve et rappelle la polysémie de l’accessibilité, illustrée par une gamme de significations variant en fonction de son utilisation et du contexte. Par exemple, une personne accessible désigne quelqu’un d’ouvert, avec qui on peut échanger, facilement entrer en relation ou aborder ; un document accessible fait référence à un contenu compréhensible, intelligible ou consultable ; un espace accessible constitue un endroit où l’on peut aller tandis qu’une activité accessible indique que l’on peut aisément la pratiquer, qu’elle est abordable, notamment sur le plan financier.

L’accessibilité objet de recherche?

Au niveau universitaire, l’accessibilité reste un objet de recherche dont l’attractivité est faible, confronté à un morcellement disciplinaire et épistémologique.

Elle est traitée de manière spécifique en fonctions des enjeux de différentes disciplines. Elle trouve un profond ancrage dans le champ de l’architecture et de l’urbanisme du fait de son lien avec le cadre bâti (Grosbois) et l’organisation de l’espace. Mais elle fait aussi l’objet d’attention de la part de chercheurs d’autres domaines : les sciences de la gestion et du management (Darcy, Buhalis), l’ingénierie du tourisme et des loisirs (Khomsi, Carbonneau), parfois la géographie (Amiaud, Blaho Poncé) ou encore les sciences et techniques des activités physiques adaptées (Perera, Pantaléon) ou la muséologie (Lebat, Porcéda). L’accessibilité se retrouve également dans le champ de l’éducation et de la scolarisation, autour de la transmission du savoir et de la connaissance. De nombreux travaux ont ainsi porté sur l’accessibilité pédagogique et l’école inclusive (Plaisance). Dans le prolongement de l’école, la transition vers l’emploi appelle l’insertion professionnelle et l’accès du et au marché du travail (Rachedi). Enfin, sous la bannière de l’accessibilité numérique, l’adaptation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) est étudiée et la recherche-action permet de développer des produits et services utilisables par tous.

L’accessibilité et le handicap

Historiquement, l’accessibilité a été associée aux personnes handicapées avant de progressivement s’ouvrir à d’autres publics discriminés ou vulnérables. C’est notamment le cas au Québec où elle peut concerner les migrants, les personnes issues des Premières Nations, les personnes allophones, les personnes de la communauté LGBT+, ainsi que des populations culturellement ou économiquement défavorisées. En France, l’accessibilité s’est structurée plutôt autour des besoins des publics handicapés, d’abord ceux de la famille canonique du handicap, à savoir le handicap mental, physique, visuel ou auditif, avant d’englober les personnes avec des troubles neurodéveloppementaux (TND), des troubles du spectre autistique ou des troubles dys (dysgraphie, dyscalculie, dyslexie, etc.).

De la mise en accessibilité…

L’accessibilité spatiale et l’accessibilité fonctionnelle

L’accès à l’espace ou accessibilité spatiale appelle la mobilité et se décline en plusieurs phases. La première consiste à accéder, c’est-à-dire atteindre l’endroit souhaité, à l’aide des transports collectifs (bus, train, métro) ou individuels (voiture) ainsi que de la voirie (à pied, en fauteuil roulant manuel ou électrique, à vélo). Concrètement, cela implique l’accessibilité de la voirie et des transports jusqu’au bâtiment, la disposition et la proximité de places suffisantes et adaptées de stationnement pour des voitures individuelles, l’accessibilité des arrêts de bus, des stations de métro et de tramway, le déploiement d’une signalétique directionnelle, intuitivement perceptible et compréhensible. Une fois arrivé devant le bâtiment, il convient d’y pénétrer, c’est-à-dire pouvoir entrer jusqu’à l’accueil à l’aide d’un accès signalé et adapté, avec éventuellement une assistance humaine pour être renseigné ou accompagné physiquement. À l’intérieur du bâtiment, il faut pouvoir y circuler, c’est-à-dire se déplacer dans les différents espaces, parfois répartis sur plusieurs niveaux. Mais il faut aussi se repérer et s’orienter, ce qui implique de savoir où l’on se trouve et par quel chemin se rendre à sa destination.

Toutefois, l’accessibilité spatiale n’est pas suffisante pour garantir et conduire à l’accessibilité. Accéder à l’espace nécessite d’être complété par une accessibilité fonctionnelle, c’est-à-dire l’accès à des activités et prestations. En effet, lorsque l’on va à un endroit, c’est pour y faire quelque chose. La métaphore d’une pièce de monnaie avec ses côtés pile et face que l’on ne peut séparer, qui constituent la structure de la pièce, illustre bien l’intrication entre l’accessibilité spatiale et l’accessibilité fonctionnelle : les deux sont indissociables. En complément de l’accès à l’espace, il importe donc de prendre en compte et de mettre en oeuvre l’accessibilité des usages, c’est-à-dire l’accès au contenu, aux activités, aux prestations et aux services.

La combinaison de multiples facilitateurs

La mise en accessibilité implique la mobilisation de facilitateurs, c’est-à-dire de conditions facilitant l’accessibilité. Ces facilitateurs peuvent se répartir en trois catégories complémentaires.

1- Les facilitateurs architecturaux sont liés à l’aménagement du cadre bâti et de l’environnement physique. Il peut s’agir par exemple du revêtement et de la largeur des sols, de rampes d’accès, de vitrophanie, de guidages podotactiles, de la prise en compte du confort visuel avec la luminosité et le contraste, ou encore de la qualité acoustique pour le confort sonore.

2- Les facilitateurs technologiques renvoient au matériel et aux innovations. Ils se concrétisent par la disposition d’ascenseurs, de l’ouverture des portes (automatique ou commandée et latérale), d’annonces sonores, de boucles à induction magnétique et d’une variété de fauteuils (de randonnée, de baignade, de sport, etc.), par la domotique ainsi que par la réalité augmentée et virtuelle.

3- Les facilitateurs humains impliquent la présence de personnel, disponible et désigné, mais aussi sensibilisé et formé, pour accueillir des personnes handicapées et adapter les services et prestations. Certains facilitateurs répondent aux besoins d’un public spécifique alors que d’autres sont transversaux, répondant aux besoins de plusieurs publics. Ainsi, une boucle à induction magnétique se destine à un public déficient auditif et nécessairement appareillé.
De même, une traduction en braille ne concerne que des personnes non voyantes, maîtrisant la lecture du braille. D’autres facilitateurs, comme une rampe, sont utilisables par plusieurs publics tels que des utilisateurs de fauteuil roulant, des personnes âgées ou des parents avec des poussettes.

… à l’information de l’accessible

La mise en accessibilité constitue une première phase. Elle doit se prolonger par une seconde étape, souvent oubliée ou négligée, qui est la visibilité de l’accessibilité.

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