De l’intégration à l’école inclusive

De l’intégration à l’école inclusive
27.04.2012 Réflexion sur Temps de lecture : 8 min

Une nouvelle étape dans la construction d’une école pour tous.

Depuis 2005, on ne parle plus d’intégration mais d’inclusion pour désigner la scolarité des enfants handicapés à l’école ordinaire.

Les UPI (Unités Pédagogiques d’Intégration) deviennent des ULIS (Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire) et les CLIS des Classes pour l’inclusion scolaire. On comprend, derrière ce changement de terme, la volonté politique de renforcer la scolarité à l’école ordinaire des élèves handicapés. De nombreuses personnes, parents ou professionnels se sont cependant interrogés sur la pertinence d’abandonner le mot « intégration ».
Je vous propose de réfléchir aux raisons de ce passage de l’intégration à l’ « inclusion ». Nous montrerons que la France, après de nombreux pays, ne souhaite pas seulement développer les pratiques intégratives, mais fait le choix, avec ce changement de terme, d’un changement de point de vue concernant la place des enfants handicapésNous employons le terme enfant pour désigner tout jeune fréquentant l’école (de la maternelle à l’université) et handicapé pour désigner la situation de handicap qui nécessite, pour ces jeunes, la prise en compte de besoins particuliers. à l’école.

L’intégration : des réalités très différentes, mais une même contrainte d’adaptation de l’enfant aux réalités de l’école

On se souvient que l’intégration s’est développée en France à la suite de la loi d’orientation de 1975 qui donnait priorité à une scolarité à l’école ordinaire, sans pour autant contraindre l’école à accueillir les élèves handicapés.

A la suite de cette loi l’intégration, selon les contextes, a pris des formes très différentes. L’intégration est quelquefois minimale, simplement physique, et permet aux enfants handicapés de partager des locaux avec les autres enfants sans pour autant que cette cohabitation mette réellement en relation les uns avec les autres. L’intégration, sociale, suppose que les enfants handicapés partagent certaines activités avec les autres, ce peut être les repas, la récréation, mais aussi la classe. Enfin, on atteindra le plus haut niveau d’intégration au sein des classes ordinaires lorsque les enfants handicapés pourront être engagés dans les mêmes activités d’enseignement que les autres élèvesNous nous inspirons ici du modèle de Wolfensberger et Thomas, 1988.

Dans tous les cas cependant, l’intégration ne suppose pas d’adaptation majeure de l’école à ces publics « différents » : c’est plutôt l’enfant qui doit d’adapter à l’école par des rééducations, des dispositifs de compensation, qui vont lui permettre de « suivre » le niveau de la classe ou de participer aux activités de l’école.

On comprend que les pratiques intégratives sont tout à fait suffisantes et pertinentes pour les enfants dont le handicap, s’il est compensé, n’entrave pas un parcours scolaire ordinaire. C’est notamment le cas pour des enfants présentant une déficience sensorielle ou motrice, qui, avec l’aide d’un aménagement des locaux, de la mise à disposition d’un micro-ordinateur ou d’une aide humaine, vont pouvoir assister aux même enseignements que tous les autres élèves de leur classe d’âge. En d’autres termes, l’intégration est un dispositif qui fonctionne parfaitement lorsque l’écart entre les besoins de l’enfant à besoins particuliers et ceux des autres enfants considérés comme « dans la norme » n’est pas trop important, notamment du point de vue cognitif.

La situation est différente pour les élèves qui doivent composer avec une différence importante entre leur niveau et celui des autres enfants de la classe supposés être dans la norme. Plus l’écart est important, plus la situation est difficile à gérer pour les enfants comme pour les enseignants, les parents et les professionnels accompagnateurs. L’intégration en milieu ordinaire a donc des limites.

L’école inclusive : la recherche d’une place ordinaire et adaptée pour les enfants handicapés à l’école

On peut considérer que l’intégration a des limites car elle prend place dans un dispositif où le rapport à la norme est incontournable. Ainsi, le temps passant, de nombreux enfants handicapés vont se trouver marginalisé par une scolarité qui ne fait pas l’effort de se « diriger » vers eux.

Il est vrai cependant qu’on a pu désigner sous le terme d’intégration des pratiques dans lesquelles les structures (établissements spécialisés, école, classe…) étaient profondément modifiées pour permettre une scolarité au plus près du milieu ordinaire d’enfants présentant des handicaps parfois très lourds. Les pratiques ainsi mises en œuvre sous le terme d’intégration constituent des « expériences » qui relèvent de notre point de vue de pratiques inclusives.

La différence entre intégration et école inclusive est avant tout de principe. Dans la logique intégrative, les enfants doivent s’adapter à l’école ordinaire avec l’aide de dispositifs spécialisés. Dans la logique inclusive, c’est à l’école de s’adapter pour apporter une réponse scolaire au plus près des besoins de chaque élève. Chaque élève a donc sa place à l’école ordinaire, quel que soit son handicap, il « suffit » de mettre en place les adaptations nécessaires !

L’école inclusive n’est donc pas une intégration plus « poussée ».

La différence majeure entre intégration et école inclusive vient du processus : l’intégration fonctionne de l’extérieur vers l’intérieur. Ainsi, un enfant que l’on intègre est a-priori hors de l’école (puisqu’on veut l’intégrer…) et l’intégration va consister à le placer dans en milieu ordinaire. Le processus de l’école inclusive est inverse : l’enfant est a-priori dans l’école ordinaire et celle-ci doit s’organiser pour trouver les aménagements permettant une scolarité au mieux des besoins de tous les élèves. Lorsqu’une école accueille des enfants présentant des besoins très importants, elle sera alors amenée à recourir à des moyens et services spécialisées.

L’école inclusive, ce n’est pas l’intégration de tous les enfants en classe ordinaire.

La classe ordinaire sans aide extérieure peut être considérée comme le niveau d’intégration le plus poussé. On voit bien les limites d’une telle scolarité pour les élèves ayant des besoins très importants, de même que l’inquiétude des parents et professionnels qui ne savent pas comment prendre en compte la différence dans un dispositif construit pour être homogène. L’école inclusive suppose de partir des besoins des élèves et de les prendre en compte dans un cadre ordinaire. « Ordinaire » prend alors un tout autre sens que « même enseignement pour tous ». Il s’agit de trouver un dispositif dont les adaptations seront rendues normalesVoir les travaux de Wolfesberger sur la normalisation et la valorisation des rôles sociaux.. Actuellement, de la maternelle à la fin du secondaire notre école fonctionne le plus souvent par classe regroupant les mêmes élèves. Dans ce cadre, chaque « sortie » d’un enfant à besoin éducatifs particuliers est problématique : l’enfant est marginalisé et exclu d’un groupe qui continue son cours ordinaire. Rien n’empêche d’imaginer un dispositif plus modulaire qui permette à certains moments de la journée une recomposition des groupes, offrant à chaque enfant l’opportunité de travailler un domaine correspondant à ses besoins, spécialisés ou non. En d’autres termes, il s’agit d’organiser la classe, mais aussi l’école en fonction des besoins des élèves et non de leur âge… l’idée n’est pas nouvelle, mais elle est toujours d’actualité !

La mise en place de l’école inclusive suppose donc un changement de paradigme.

Pour devenir inclusive il est donc nécessaire d’envisager une transformation de l’école afin de rendre possible la prise en compte des besoins éducatifs particuliers des élèves. Cette école n’aurait plus à proposer des parcours adaptés, au sens où l’on met en place des aides, éducatives et rééducatives pour permettre à un enfant de fréquenter une classe ordinaire et dans lesquels la confrontation permanente à la norme va mettre les élèves handicapés en difficulté. L’école inclusive offre la possibilité de mettre en place des dispositifs de réussite scolaire au sens où les enseignements que l’on va leur proposer vont correspondre à leurs besoins et donc qu’ils seront capables d’apprendre ce qui leur est enseigné.

On le comprend, la difficulté de l’école inclusive, c’est de conjuguer adaptation aux élèves et milieu ordinaire. L’adaptation se fait depuis longtemps dans beaucoup de classes et établissements spécialisés, il s’agit maintenant de rendre le spécialisé « ordinaire ».

Passer de l’expérience à la règle générale.

Dans de nombreux pays, y compris le nôtre, des équipes pédagogiques et médico-éducatives ont montré que l’école inclusive était possible. Il s’agit maintenant de passer de l’ « expérience » au cas général. Les conditions légales sont en passe d’être solutionnées. Les conditions pédagogiques sont encore largement à construire. Il faudra pour cela l’engagement de tous, dans un projet qui ne peut être que collectif, mais aussi des moyens pour la recherche et la formation. Des moyens pour la recherche car les « bonnes pratiques » nécessaire à la mise en place d’une différenciation pédagogique étendue à tous les élèves à besoins éducatifs particuliers sont loin d’être d’être identifiées et décrites. Des moyens pour la formation car, malgré les efforts faits, la plupart des enseignants et professionnels de l’école n’ont eu, pour le moment qu’une information minimale sur l’accueil des enfants différents.

Retour aux articles de la rubrique « Scolarité »
Aller au contenu principal