L’inclusion, le plus grand risque d’exclusion ?

L’inclusion, le plus grand risque d’exclusion ?
29.09.2010 Réflexion sur Temps de lecture : 5 min

Ou comment se méfier des bonnes intentions

Qui ne rêve pas d’une société idéale dans laquelle le vivre ensemble  a vraiment du sens, où règneraient l’harmonie, l’entente et  l’acceptation des différences ? Tous uniques, tous différents, tous frères…
Ça ne serait pas mal, ça ? Oui, peut-être, faut voir…

En attendant, ici, c’est quand même un peu la «jungle». La stigmatisation va bon train (on pourrait dire bon charters mais ça ne sonne pas très bien), et la situation économique n’est pas faite pour améliorer l’ensemble.
Mais, puisque le maître mot de ce jour est l’inclusion, parlons de celle des enfants en situation de handicap dans nos écoles de la République.
Il n’a pas toujours été évident ce terme d’inclusion, d’ailleurs, je ne sais pas si vous vous souvenez, avant, on parlait d’intégration (d’ailleurs connaissez-vous l’opposé d’intégration ?). Et puis avant de parler intégration, on parlait internement, ou bien encore on ne parlait pas du tout et l’on sortait son « petit anormal » aux heures pâles du jour, discrètement, sans déranger personne.
Alors, voyez un peu comme on a évolué, n’est-ce pas ? Maintenant c’est : « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées… La loi du 11 février 2005 pose comme principe la priorité donnée à une scolarisation en milieu dit «ordinaire»… Le parcours de formation d’un élève handicapé est mis en œuvre, dans le premier degré, conformément aux articles D 351-3 à D 351-20 du code de l’éducation, qui prévoient notamment le droit de l’élève handicapé à être inscrit dans l’école la plus proche de son domicile, laquelle constitue son établissement scolaire de référence  »
Cette loi est très certainement une avancée pour ce qui est de l’éducation des jeunes en situation de handicap. Mais, comme toute chose mise en place à l’échelle d’un territoire, des effets pervers viennent activer la dialectique et cette priorité donnée à l’éducation en milieu « ordinaire » fait surgir deux principales questions :

  1. L’éducation pour tous, sous quelles conditions et avec quels moyens ?
  2. L’éducation pour tous, à quel prix ?

1/ L’éducation pour tous, sous quelles conditions et avec quels moyens ?

L’idée de cette mixité est louable. Mais est-ce que la suppression de 10% du personnel dans l’Éducation nationale, dont 30% de moins au sein des Réseaux d’Aides Spécialisées pour les Élèves en Difficultés (RASED), et la suppression des Assistantes de Vie Scolaire Collective (AVS CO) dans les Classes d’Intégration Scolaire 1 (CLIS – ULIS) vont le permettre ?
Au passage, n’y a-t-il pas quelques dangers à dispenser plus ou moins de moyens en fonction d’une typologie du handicap ? Les CLIS 2, 3, 4 (handicap auditif – handicap visuel – handicap moteur et pluri-handicap) ne sont pas concernées par la restriction des AVS CO. Et que dire des nouvelles mesures qui voient débarquer un personnel sans aucune expérience dans des territoires déjà défavorisés ?
Égalité des quoi ?
Nous avons là quelques nouvelles mesures qui nous permettent de douter du minimum de moyens requis pour la mise en place de cette politique d’égalité des droits et des chances.
Mais rassurons-nous, il nous reste le droit opposable ! Rappelez-vous du débat de ce mercredi 2 mai 2007 entre Nicolas et Ségolènehttp://www.liberation.fr/politiques/010118726-la-transcription-exhaustive-du-debat, il est parfois instructif de revenir sur ces moments clés d’une campagne politique… mais je m’égare.
Bien sûr les multiples rouages de l’Éducation nationale vont continuer à fonctionner, globalement ça ira. Les professionnels dresseront probablement le désagréable constat de leur incapacité à s’adapter aux besoins du jeune, mais ça ira. Les parents ne seront probablement pas satisfaits de ce manque de prise en compte des particularités de leur enfant, mais ça ira.
L’enfant justement, qu’en sera-t-il ? À force d’avoir des difficultés à suivre, la conclusion tôt ou tard arrivera comme une logique imparable : « Madame, votre enfant est inadapté » et une orientation dans une structure spécialisée sera probablement la moins pire des solutions…

2/ L’éducation pour tous, à quel prix ?

Nous pouvons légitimement nous poser la question de l’efficience concrète concernant l’inclusion des enfants en situation de handicap dans cette école dite « ordinaire ». Il y a comme un leurre qui est probablement involontaire et aveuglé par cette bonne conscience et cette aspiration commune à l’inclusion, comme une fin en soi, comme un objectif à part entière d’une civilisation qui doit savoir à tout prix tenir compte de ses populations les plus fragiles. Une politique de civilisation ?
L’objectif de cette loi est louable mais elle n’intègre pas le paramètre de l’environnement : cette situation de handicap qui traduit qu’au-delà du handicap en lui-même il y a tout le reste et surtout le regard des autres et nos représentations, à nous, « normaux ». Alors quid de la prise en compte à la fois du jeune et de son handicap, des autres élèves de sa classe et leurs parents, des enseignants et de leurs dispositions à vouloir (ou pouvoir) s’adapter à cette situation-là ? Bien sûr que tout parent voudrait que son enfant en situation de handicap puisse accéder à cette école de la République. Bien sûr qu’il est content de voir une loi qui stipule que son inclusion peut se faire dans l’école la plus proche.
Mais quid de la trouille provocant résistances, clichés et stigmatisations ? Que dit la loi de nos représentations du handicap et de ce qu’elles portent de discrimination ?

Et si l’école la plus proche était finalement la plus éloignée pour répondre aux besoins de cet enfant différent ? Et si notre principal problème n’était pas d’avoir beaucoup trop d’écoles proches mais finalement si lointaines ?

 

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