Orthophoniste au sein du camsp

Orthophoniste au sein du camsp
10.10.2014 Expériences et initiatives Temps de lecture : 10 min

Marie Brantus, orthophoniste, nous parle de son travail, son rôle, sa place au CAMSP…

Marie Brantus, orthophoniste, nous parle de son travail auprès des enfants accueillis au CAMSP…

Présentation du camsp

Le CAMSP est un Centre d’Action Médico Social Précoce qui accueille des enfants de la naissance à 6 ans, présentant des retards psychomoteurs, des troubles sensoriels, neuromoteurs ou intellectuels, avec parfois des difficultés relationnelles associées. La plupart des CAMSP ont une spécificité (déficience visuelle, motrice, auditive…) afin que la prise en charge des enfants soit la plus précise, la plus adaptée possible. Le CAMSP dans lequel je travaille assure le suivi de 45 enfants porteurs d’un handicap moteur, avec ou sans troubles associés.

Mon travail

Mon travail au CAMSP consiste à réaliser des bilans, dépister et/ou prendre en charge les enfants sur la demande du médecin de ma structure. Ces enfants peuvent avoir des troubles de l’oralité ou bien des troubles du langage et de la communication. Mes prises en charges se font :

  • en partie au sein du CAMSP avec des rendez vous hebdomadaires pour quelques enfants. Ce sont des prises en charge individuelles ou bien de groupe.
  • en partie au domicile des enfants ou dans différents lieux où ils sont accueillis : crèche, école, nounou

Mes prises en charge individuelles

Elles concernent essentiellement des enfants avec des retards de parole ou de langage, dont les difficultés touchent l’expression et souvent la compréhension.
A partir de jeux, d’images, de gestes, de manipulations, j’aide les enfants à entrer dans des consignes et à exprimer des émotions, des désirs, des histoires, construire des phrases, articuler, stimuler les praxies bucco faciales…

Pour les enfants sans langage, j’utilise des techniques d’aide à la communication (moyens alternatifs et augmentatifs) permettant aux enfants de s’exprimer autrement que par le langage oral pour émettre des choix, des demandes, des émotions…

  • Utilisation des gestes
  • Utilisation des images (album photos, carnet ou tableaux de communication)
  • Utilisation de supports informatiques… (logiciels avec souvent une synthèse vocale)

 picto2                    picto3                    picto

Par ailleurs, les petits groupes que je propose sont ou bien des groupes « patouille » ou bien des groupes « communication ».

Les groupes « patouille »

Les groupes « patouille » sont proposés de manière hebdomadaire et regroupent en moyenne 3 enfants. Ces groupes leur permettent, grâce au phénomène d’imitation, d’émulation et de découvertes sensorielles de réinvestir positivement le moment du repas. Je propose aux enfants une progression dans l’acceptation des matières à travers des textures non alimentaires d’abord puis alimentaires et d’explorer également tous les sens mis en jeu au moment du repas (le toucher mais aussi la vue, l’odorat et le goût).

 patouille1             patouille3         patouille2

Les groupes communication

Les groupes « communication » sont aussi proposés de manière hebdomadaire et réunissent 2 à 3 enfants. Ces groupes permettent aux enfants de stimuler leur élan à l’interaction et de renforcer, à travers le jeu et le plaisir, leurs compétences socles à la communication et leur développement cognitif : l’attention conjointe, l’imitation motrice, l’imitation verbale, les tours de rôle, le pointage, les gestes à visée communicative, les jeux de faire semblant, les relations de cause à effet, la permanence de l’objet …

Une grande part de mon activité est dédiée également à la réalisation de bilans (d’oralité et/ou de communication) et d’engager un travail de guidance parentale si besoin.
Les rendez vous sont alors plus ponctuels mais réguliers.
Je réalise les bilans d’alimentation/déglutition au domicile des enfants ou bien parfois chez la nounou, à la crèche ou même à la cantine pour certains enfants.

Les bilans d’alimentation

Les bilans d’alimentation ont pour objectifs de repérer les éventuels troubles de l’oralité et de proposer des solutions.
Les troubles de l’oralité que je rencontre les plus fréquemment sont :

  •  Les troubles de la déglutition : les fausses routes. Mon rôle est alors de revoir l’installation de l’enfant au moment des repas ainsi que son maintien de tête, adapter les quantités, le matériel et les textures qu’il « supporte » le mieux.
  • Présence parfois d’un hyper nauséeux (déclenchement d’un réflexe nauséeux au moment des repas). Mon rôle est alorsde proposer des massages désensibilisants (Protocole de l’orthophoniste Catherine SENEZ à découvrir dans son ouvrage : Rééducation des troubles de l’alimentation et de la déglutition)
  • Les troubles moteurs (hypotonie des muscles bucco faciaux, bavage, réflexes de morsure, troubles de la mastication). Mon rôle est alorsd’aider au renforcement musculaire des muscles de la face et de la bouche
  • Les problèmes bucco-dentaires (parfois mycoses, caries…). Mon rôle est alors de travailler autour de l‘hygiène dentaire et de veiller au brossage des dents.

bucco facialeCertains enfants aux troubles de l’oralité portent une naso gastrique (sonde qui va du nez à l’estomac) ou bien une gastrostomie (alimentation directement par l’estomac). Cela n’empêche surtout pas, bien au contraire, de poursuivre les stimulations bucco-sensorielles et alimentaires.

La création de matériel de rééducation

Une autre partie de mon temps est également consacrée à la réalisation de supports ou de jeux adaptés aux enfants et nécessaires pour travailler par exemple l’attention, la mémoire, le langage… J’utilise beaucoup d’images et de pictogrammes. Je veille à ce que mes supports soient assez grands, manipulables, étanches…

Le matériel que je construis peut avoir différents objectifs. En voici 2 exemples :

  • aider à la construction et l’élaboration du langage : Je m’inspire d’images, d’histoires ou de photos et utilise des pictogrammes pour symboliser chaque élément de la phrase ou les idées à exprimer. Ce support visuel aide l’enfant à organiser son discours et à enrichir ses phrases.
    Je peux évoluer vers des phrases de plus en plus complexes, en fonction du niveau de l’enfant, et travailler aussi le vocabulaire, les pronoms ou les verbes par ce biais.
  • d’autres supports aident davantage l’enfant à exprimer ses émotions ou évoquer quelque chose, lorsqu’il ne peut pas parler. Il peut alors pointer du doigt, du poing ou du regard l’image ou l’émotion qu’il veut transmettre.
    Je construis ces tableaux de communication en fonction de la maturité de l’enfant et de ses besoins. L’aide de la famille est précieuse pour nous fournir des informations plus précises sur le quotidien de leur enfant (ses habitudes, son rythme, ce qu’il aime, n’aime pas, ses jeux…). Les parents nous rapportent également la manière dont leur enfant utilise cet outil dans le quotidien et quels ajustements nous pouvons apporter si besoin.

Quand l’enfant est plus petit, on construit davantage des albums photos. Ils n’ont pas forcément de valeur communicative, mais servent dans un premier temps de support à l’interaction.

        picto fillette            picto lapin

La guidance parentale

La guidance parentale correspond à informer les parents du travail que je réalise avec leur enfant : leur détailler mes observations et la prise en charge que je préconise, en les invitant aussi à participer à la stimulation de leur enfant dans son quotidien. Nous nous fixons ensemble des objectifs et des moyens.

Cette guidance permet :

  • aux enfants de ressentir une cohérence dans la manière dont ils sont pris en charge, L’enfant voit que ce qui est fait au CAMSP est aussi réalisé à la maison, que ce soit dans le domaine de l’alimentation (installation au moment des repas, textures, massages intra buccaux…) ou de la communication (utilisation de pictogrammes pour s’exprimer, incitation à exprimer le « oui », le « non », « encore », à faire des gestes …).
    Cette continuité du travail fait au CAMSP et chez eux est rassurante, structurante et stimulante puisque le travail ne se limite pas qu’aux séances du CAMSP.
  • aux parents :
    de trouver des pistes pour s’investir et s’ajuster aux besoins de leur enfant avec le soutien d’un professionnel.
    de leur donner confiance en étant guidés et rassurés, en renforçant aussi leur lien et leur investissement auprès de leur enfant.

Les rencontres avec les parents sont des rencontres ponctuelles mais régulières. La fréquence des rendez vous dépend des besoins et de l’évolution de l’enfant. J’essaie de garder une certaine souplesse dans mon emploi du temps pour assurer ces moments avec les parents. Elle peut avoir lieu au moment des repas de l’enfant. L’idée est de s’adapter au mieux aux impératifs professionnels des parents et au rythme de leur enfant (sieste, école, rééducation, rendez vous médicaux…).

Enfin, mon rôle est aussi de faire le lien avec toutes les personnes qui prennent en charge l’enfant : que ce soit en dehors du CAMSP (son médecin, instituteur, personnel de sa crèche, nounou, orthophoniste libérale…) ou bien au sein du CAMSP (ergothérapeute, psychologue, kiné, psychomotricienne, assistante sociale, éducatrice, médecin…). Cette coordination des adultes entre eux est primordiale. Elle permet de prendre en charge l’enfant dans sa globalité, d’être au plus près de ses besoins et donner du sens et de la cohérence dans toutes les actions menées pour lui.

La collaboration entre les différents professionnels est importante aussi pour rassurer les parents et faire du lien dans les différentes prises en charge de l’enfant.

Il nous arrive aussi souvent avec l’éducatrice de l’enfant de nous déplacer ensemble au domicile de notre petit patient et de croiser ainsi nos regards, partager ainsi nos avis et fixer les points à travailler avec la famille. Les échanges avec les autres professionnels se font durant des réunions hebdomadaires, des appels ou des rendez vous plus ciblés.

Durant cette année, j’ai également été amenée à suivre un enfant porteur d’une trachéotomie (petit trou réalisé à l’avant du cou, au niveau de la trachée avec un petit tuyau qui conduit l’air jusqu’aux poumons). Mon travail a porté durant plusieurs mois sur le projet de décanulation, à la demande du corps médical : projet consistant à préparer l’enfant à « ne plus respirer directement par son cou » mais par ses voies respiratoires supérieures (sa bouche et son nez). Après 6 à 8 mois de travail quotidien sur la respiration, avec une implication également importante de la famille, les médecins ont pu enlever à cet enfant sa trachéotomie. Ce fut une grande victoire et une merveilleuse nouvelle pour cet enfant et sa famille dont la vie et le quotidien sont maintenant complètement changés.

En conclusion

Mon travail auprès des enfants du CAMSP est donc très varié. Il peut être très technique (comme pour la trachéotomie) mais est aussi et dans tous les cas, très relationnel. Mes champs d’activité recouvrent essentiellement l’oralité et la communication, mais chacune de mes prises en charge est bien particulière. Je dois, en fonction de l’histoire de l’enfant (familiale et médicale) pouvoir m’adapter à ses difficultés et à ses capacités et créer, pour chacun, des activités « sur mesure ».

De manière générale, mon activité me demande donc  :

  •  d’être à l’écoute de l’enfant, des familles et des différents professionnels.
  • d’être créative dans le matériel et les activités que je propose.
  • de tourner les enfants et les familles vers des objectifs stimulants et des projets positifs en tenant compte de l’enfant dans sa globalité.
  • d’être suffisamment et régulièrement informative auprès des familles et des professionnels sur les actions que je mène avec l’enfant. Il est effectivement important de faire le point régulièrement sur son évolution afin de réajuster ou non les objectifs de ma prise en charge.
  •  d’aider à l’orientation de l’enfant et/ou aux projets que nous pouvons avoir pour lui : autres prises en charge à préconiser ? projet de collectivité ? projet d’école ? temps de scolarisation ? orientation après le CAMSP ?…
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