L’accompagnement par la médiation de l’animal

L’accompagnement par la médiation de l’animal
04.06.2019 Expériences et initiatives Temps de lecture : 12 min

Christine Renard nous parle de son activité, la médiation par l’animal et le jeu, et nous explique les bienfaits que procurent les animaux aux personnes.

Au travers de mon entreprise libérale « Le Trait d’Union Calmétien », j’accompagne par la médiation de l’animal des enfants à partir de 5 ans, des adolescents et des adultes différents.

J’appuie ma pratique sur mon expérience, sur l’approche humaniste centrée sur la personne de Carl Rogers basée sur l’écoute active (écoute empathique, authentique et sans jugement) ainsi que sur différentes méthodes de communication telles que :

  • la Communication Non-Violente – CNV® – conceptualisée par Marshall B. Rosenberg.
  • la Validation® – conceptualisée par Naomi Feil, aussi appelée Validation® affective, ou thérapie par empathie
  • la Programmation Neuro-linguistique, conceptualisée par John Grinder et Richard Bandler, en ce qu’elle améliore la communication avec soi-même et les autres et permet de comprendre comment l’autre se représente le monde.

Dans mes accompagnements, l’animal (au travers des jeux et activités proposés) est le  « trait d’union » entre la personne prise en charge et moi. L’animal capte l’attention de la personne et la focalise sur ce qui est là dans l’instant présent, il attise sa curiosité qui nourrit sa concentration, il lui fait pousser les ailes de la motivation et parce qu’il est non jugeant et en demande, il lui donne la force d’être volontaire et de faire.
L’animal connecte la personne à ses ressentis, au champ de ses émotions. Il donne de l’affection et de l’amour de manière inconditionnelle. Pour moi, cette connexion aux émotions est le point d’ancrage et la base du lien à construire, à entretenir, à protéger pour qu’ensuite le champ des possibles puisse s’ouvrir sur les capacités et, le cas échéant, sur les apprentissages.

L’observation de l’interaction de la personne avec l’animal permet de voir quelles sont ses capacités, ses motivations, ses attentes vis-à-vis de lui. Le programme proposé définit les objectifs de travail sur ces fondements : soutenir les capacités existantes pour les renforcer et les développer en s’appuyant sur la motivation et les attentes de la personne prise en charge.
Le travail sur les capacités intellectuelles, fonctionnelles, sensorielles et sociales existantes nourrit la confiance de la personne, la rend actrice et permet d’investir ensuite d’autres champs. L’émotion qui accompagne le moment ancre ce qui est vécu et les apprentissages abordés.

Pour moi, l’accompagnement par la médiation de l’animal est avant tout un soin relationnel, c’est un lien de cœur qui unit la triangulation « personne-animal-zoothérapeute » et c’est à partir de ce lien qui sécurise que la personne peut aller à la rencontre d’elle-même, qu’elle peut apprendre à se connaître, à se faire confiance, à communiquer (en verbal et/ou non verbal), à trouver des ressources et à trouver sa place dans la relation (avec elle et avec les autres).

Dans sa relation avec l’animal, la personne apprend à utiliser ses différents canaux sensoriels pour développer ses perceptions (la voix, le kinesthésique – toucher interne et externe – la vue). Elle prend conscience que tout est toujours une affaire de perception, d’angle de vue. En affinant et en enrichissant ses perceptions, elle développe son sens de la communication verbale et non verbale et ses moyens de s’exprimer, de se faire entendre et comprendre.

Pour pouvoir jouer avec le chien, qu’il écoute et reste attentif à elle, la personne apprend à être présente et centrée sur l’animal, elle apprend à se positionner par rapport à lui (la proxemie), elle développe ainsi ses facultés d’attention et de concentration. La personne apprend également à écouter et à tenir compte de ses besoins et de son rythme au travers de ses ressentis et de ses émotions.

Les cochons d’inde pris dans les bras ou observés sur une table permettent également à la personne de développer ses perceptions et sa curiosité. Leurs petits cris ou vibration attirent et retiennent l’attention, ces animaux fascinent et transportent la personne dans un état d’apaisement et de profond bien-être.

Ce qui est important pour moi, c'est que la personne s'accepte « comme elle est » et acquiert une confiance en elle, qu'elle prenne conscience de ses capacités, de ses talents, de la richesse qu'elle porte en elle, qu'elle apprenne à s'estimer et à s'aimer telle qu'elle est, l'animal l'aidant sur ce chemin car jamais il ne fait ni ne lui renvoie de différence.

christine renard

La prise en charge se fait en individuel ou dans le cadre de moment répit en famille, sur la base d’un programme adapté et défini avec la personne et ses aidants professionnels et familiaux.

Au travers de ces programmes nous pouvons travailler sur le soutien et le développement des capacités fonctionnelles, intellectuelles, sociales et sensorielles, mais également sur les objectifs suivants :

  • Les peurs et les émotions, développer son intelligence émotionnelle en se connectant à ses ressentis, identifier leur message, les comprendre et les accepter,
  • La sensibilité et hypersensibilité : les comprendre et savoir les utiliser,
  • La timidité, la peur des autres, de la différence, la peur d’être rejeté (difficultés sociales, troubles d’anxiété sociale, agoraphobie),
  • La communication (verbale et non verbale, les cinq canaux), pour s’exprimer et se faire entendre,
  • Le lien à soi, au travers du lien avec les autres, les animaux et la nature (comment créer et maintenir des liens, trouver sa place, s’impliquer, s’investir, s’adapter),
  • L’estime de soi et ses trois piliers (l’amour de soi, la confiance en soi, la vision de soi), s’affirmer, trouver sa place et oser être soi-même,
  • La canalisation de son énergie, l’adaptation au cadre et aux contraintes, le respect des limites, la gestion de son agressivité,
  • L’attention et la concentration (apprendre à se centrer) la motivation (intelligence motivationnelle),
  • Egalement sur la peur du chien, au travers d’un travail de désensibilisation.

Pour illustrer, voici l’exemple d’une séance d’une heure quarante-cinq avec un adolescent présentant un trouble (léger) du spectre autistique. Cet adolescent est scolarisé (avec l’aide d’une AVS), il est sportif. Il rencontre des difficultés à canaliser son énergie, à rester attentif et se concentrer, à respecter les consignes. Il se disperse facilement. Il présente une agitation psychomotrice. Il tolère mal la frustration et tente de passer outre la consigne, peut s’emporter verbalement.

Présentation du déroulé de la séance et des objectifs travaillés :

1ère partie de séance : en extérieur (sur le terrain moteur) :

1 – (10 minutes) Temps pour se dire bonjour et retrouver les trois chiens, temps de discussion (se remémorer la séance précédente, dire comment l’on se sent en choisissant une des cartes des émotions, présentation de ce que nous allons faire)

2 – (15 minutes) Installation ensemble du parcours moteur que l’adolescent réalisera avec chacun des trois chiens : les objectifs de cette installation « ensemble » sont de donner les consignes, montrer comment l’on franchira chaque obstacle, faire le parcours une fois sans les chiens, placer l’adolescent en position d’acteur (il aide, il est utile, il contribue à) et non seulement d’utilisateur. En participant à l’installation du parcours alors qu’il peut voir les chiens, il apprend également à gérer sa frustration de ne pas être « tout de suite » avec eux.

3 – (20 minutes) Réalisation du parcours avec chacun des trois chiens. Le parcours était constitué d’un cerceau (faire assoir le chien dans le cerceau), d’un portique (se baisser et passer en dessous avec le chien), d’un slalom de 4 piquets (conduire le chien à gauche du 1er piquet puis à droite du second ….) de 3 obstacles (faire sauter le chien et franchir soi-même chaque obstacle) d’un tunnel (faire passer le chien dans le tunnel), d’une petite table (faire monter et assoir le chien sur la table), de 8 cerceaux de 4 couleurs différentes (1 ligne pour l’adolescent, 1 ligne pour le chien : nommer chaque couleur, mettre 2 pieds dans son cerceau et faire assoir le chien dans le sien), d’une cible d’arrivée (faire assoir le chien dessus et le récompenser avec des caresses et des friandises).

Le parcours a été réalisé 1 fois avec chaque chien, puis 1 fois avec le chien « préféré » de l’adolescent qui a également eu la possibilité de changer le sens du parcours.
Objectifs : compréhension et respect des consignes, motricité globale (marche, équilibre, orientation, coordination),  utilisation des bons mots pour faire franchir au chien chaque obstacle, se positionner par rapport au chien, le guider et y faire attention, rester concentré, s’orienter dans le parcours, estime de soi, valorisation de soi, plaisir d’être et de faire avec le chien.

2nde partie de séance : en intérieur (dans la salle d’activité)

4 – (10 minutes) Toilette des différentes parties du corps du chien « préféré » avec les ustensiles adaptés : le coton et le produit pour les yeux, le coton et le produit pour les oreilles, le spray-savon à diffuser sur le corps, les brosses pour les différentes parties du corps, le peigne pour la queue, le parfum.
Objectifs : compréhension des consignes, motricité fine, adaptation des gestes, prendre soin, schéma corporel (liens entre son corps et celui du chien), profiter du chien sur la table pour le caresser, l’enlacer, l’embrasser (proximité affective et libération émotionnelle), estime et valorisation de soi, langage et expression.

5 – (15 minutes) Jeu de cartes (le chien « préféré » reste aux pieds de l’adolescent couché, pour contenir son agitation et lui permettre de se centrer et concentrer) : 30 cartes représentant des animaux, des  fleurs, des fruits ont été éparpillées sur la table (face visible). Le but était de reconstituer des paires de 2 cartes identiques, de nommer ce qui est représenté, de les classer par catégorie (animal, fleur, fruit)
Objectifs : compréhension des consignes, langage et expression, attention, concentration, plaisir de jouer.

Pause câlins avec le chien « préféré » (5 minutes).

6 – (15 minutes) Installation des rongeurs sur la table et temps calme avec eux, dans les bras ou sur la table : l’adolescent a pu les observer, les caresser, les nourrir, s’exprimer et faire un moment de silence.
Objectifs : centration (focus sur les animaux), sensoriel (5 sens), observation, langage et expression, détente et apaisement, mieux être.

7 – (10 minutes) Rangement ensemble du matériel utilisé dans la salle. Les objectifs de ce rangement « ensemble » est de replacer l’adolescent en position d’acteur et non d’utilisateur et lui permettre, en rangeant, de finir sa séance et se préparer à la séparation d’avec les animaux.

8 – (10 minutes) Temps pour exprimer comment l’adolescent se sent (au moyen des cartes des émotions).Temps de discussion, se donner rendez-vous, dire au revoir aux animaux et se dire au revoir.

Dans la première partie de la séance, les parcours moteurs avec les chiens ont nécessité de l’adolescent qu’il écoute les consignes, qu’il se centre et mette le focus sur l’animal, qu’il se concentre pour être en lien avec le chien et en être écouté pour réaliser avec lui ce qu’il aime beaucoup, à savoir le parcours.
Comme il l’a réalisé avec 3 chiens au fonctionnement et au caractère différents, il a dû s’adapter (énergie dans le mouvement différente, ton de voix différent, rythme d’exécution (donc patience) différente. Il a dû canaliser son énergie, rester patient et calme, gérer sa frustration de ne pas « réussir » du premier coup, l’adaptation au chien pouvant nécessiter de refaire plusieurs fois avant d’être compris du chien.

L’amour de l’adolescent pour les chiens, sa joie d’être avec eux et son envie de faire le parcours avec eux, lui ont permis de se canaliser, de rester concentré, il a su s’adapter à chacun et a accepté de refaire lorsqu’il se trompait ou lorsque sa communication n’était pas claire pour le chien.

Dans la seconde partie de la séance, les soins aux animaux ont nécessité que l’adolescent : écoute les consignes, se pose avec les animaux (reste assis), soit attentif à leurs réactions, ait des gestes adaptés (utilisation des ustensiles de soins, manipulation des rongeurs). Cette centration sur les animaux induit de la détente, du mieux-être et de l’apaisement.

Au fil du programme (15 séances, à raison d’une séance par semaine sur 3 ½ mois consécutifs), l’adolescent a de mieux en mieux géré sa frustration. Il a su observer chaque chien et il a vu et compris leurs différences. Il a su faire preuve de patience et d’adaptation pour parvenir à ses objectifs avec chacun des chiens (réaliser les parcours). Il a gagné en confiance en lui (et en l’autre) mais également en présence et écoute dans sa relation au chien et à l’autre (moi mais également son entourage familial et à l’école). Il a été noté à l’école moins d’agitation durant la classe.

Il a été en demande (au bout de la 5ème séance) d’allonger le temps calme avec les rongeurs, verbalisant que « cela lui fait du bien », il y a puisé un temps pour lui, de détente et d’apaisement. Nous avons convenu de supprimer le jeu de cartes (soutien cognitif) au profit de ce moment sensoriel et de bien-être que nous avons fixé à 20/25 minutes.

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