Favoriser l’accueil de tous en accueil de loisirs

Favoriser l’accueil de tous en accueil de loisirs
17.07.2014 Réflexion sur Temps de lecture : 10 min

Lors d’une journée d’échanges sur l’accueil de tous les enfants en centre de loisirs, Laurent Thomas a proposé des éléments sur la réalité de l’accueil en centre de loisirs et des pistes pour faire évoluer la situation. Voici un extrait de son intervention…

La DDCS du Rhône, la CAF du Rhône, la Ville de Lyon,le Conseil Général du Rhône et Une Souris Verte ont organisé une journée de réflexion et d’échange sur l’accueil de tous les enfants en accueil de loisirs, le 21 novembre 2013.

Laurent Thomas de la Plateforme « Grandir Ensemble » a proposé des éléments sur la réalité de l’accueil en centre de loisirs à l’heure actuelle et des pistes pour faire évoluer la situation.  Voici un extrait de son intervention…

Il n’est donc pas question pour moi de vous dire, aujourd’hui : « voilà, il y a une solution et c’est la seule et la bonne ». Mais plutôt, de nous rappeler qu’il y a un besoin fort aujourd’hui, qu’il est insuffisamment pris en compte, que de nombreuses initiatives existent, qu’elles sont complémentaires, mais que malheureusement, en les réunissant toutes, nous sommes encore bien en deçà, non pas d’un idéal à atteindre, mais déjà d’un nécessaire à assurer…

Alors, quelles pistes pour avancer ?

Face à cet immense chantier pour faire en sorte que, demain, tout parent ayant un enfant en situation de handicap, puisse disposer des mêmes droits et services d’accueils en complément de l’école ou de l’établissement, le mercredi et lors des vacances scolaires, la question centrale est de savoir, comment s’y prendre ?

D’autant qu’il est essentiel, ici, de souligner la très grande différence entre le temps des familles et le temps des institutions. Pour les parents, le besoin est immédiat, urgent, et attendre 2 ou 3 ans pour entrevoir une solution, revient à nier leur demande, leur besoin, leur attente…
J’entends souvent des acteurs de terrain dire « on fait déjà », « ça avance », « les choses évoluent »… Que diraient tous les parents d’enfants valides, si dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, on leur disait « voilà, l’école fermera maintenant à 15h ou 15h30, on réfléchit, on pense à des solutions, ce n’est pas simple, mais ça avance, dans telle école on a déjà mis un accueil en place… » Ce serait la révolution ! Eh bien c’est ce que vivent 1% des familles dans notre pays, les parents d’enfants ayant les enfants les plus lourdement handicapés, c’est-à-dire bénéficiaires de l’AEEH…
Donc, je crois que l’on ne peut se contenter d’un « on avance ». L’objectif doit donc être de se mettre en situation, à l’échelle d’un territoire, de dire aux familles : « Vous avez un enfant en situation de handicap, vous souhaitez un accueil le mercredi ou les vacances scolaires en centre de loisirs, vous aurez une solution qui correspondra à votre besoin et aux attentions nécessaires pour votre enfant ». Et cela, partout en France, Et cela, dès demain.

Et cela, est POSSIBLE !!! Mais comment ?

Premièrement, il faut cesser de considérer que l’accueil d’un enfant en situation de handicap relève de l’option facultative et que l’on est encore à une époque de sensibilisation des équipes. Aujourd’hui, nous disposons d’outils très efficaces, qui peuvent en très peu de temps, renverser la situation. Chaque commune de France, gestionnaire de lieux d’accueil de la petite enfance ou d’accueils de loisirs bénéficie de financements des CAF, dans le cadre des contrats enfance jeunesse. Nous pensons que l’attribution de ces fonds devrait être conditionnée à un engagement clair des organisateurs en matière d’accueil des enfants en situation de handicap. Le Conseil Général d’Ille-et-Vilaine, n’a pas hésité, il y a trois ou quatre ans, à conditionner le financement des établissements d’accueil du jeune enfant à un pourcentage d’accueil de publics prioritaires, dont les enfants en situation de handicap font partie.

D’autre part, il faut cesser d’opposer la démarche d’inclusion des enfants en situation de handicap au sein du centre de loisirs de son quartier à la mise en place de structures d’accueil mixte. Les deux approches, les deux réponses sont nécessaires, autant l’une que l’autre, sont complémentaires et doivent être coordonnées. Tous les accueils de loisirs de France ne peuvent pas accueillir tous les types de handicap. Il y aura des situations où il faudra mettre en place des solutions plus adaptées. C’est pourquoi, la combinaison, à l’échelle d’un territoire, entre un engagement des structures existantes et la mise en place d’une structure plus adaptée et sans restriction d’accueil au regard des pathologies, me semble être la meilleure voie, la plus intelligente, la plus moderne, la plus efficace.

 Troisième élément, ce sont les pôles d’appui et de ressources qui commencent à voir le jour en France. Une vingtaine de pôles existent aujourd’hui en France, avec des missions et des niveaux d’engagement très différents. Les conclusions de la rencontre nationale des pôles d’appui, de juin 2012, ont très clairement indiqué que les pôles d’appui ne peuvent se limiter à un travail de sensibilisation, d’information, de mise en réseau. Ils doivent résolument s’engager sur deux fronts : celui de l’accompagnement de toutes les familles formulant une demande, avec un engagement à leur trouver une solution… et celui d’un appui technique, expert, efficace et pertinent afin de soutenir les équipes et éviter les ruptures d’accueil.

Enfin, nous n’avancerons pas sur le sujet, si à l’échelle de chaque département ou sur le plan national, un dispositif de soutien financier à l’accueil des enfants en situation de handicap n’est pas mis en place. Sur ce point, nous préconisons un niveau d’aide qui doit pouvoir aller jusqu’à 10€ de l’heure, être réservé aux publics prioritaires à savoir les enfants bénéficiaires de l’AEEH et être conditionné à l’effectivité de leur présence, c’est-à-dire versée en fonction des heures réalisées…

Voilà, selon moi, la seule façon de faire en sorte que demain, tout parent, quelque soit le handicap de son enfant, puisse disposer, comme tous les autres parents de notre si beau pays, de solutions d’accueil, le mercredi et les vacances scolaires, en fonction de ses besoins, adaptées aux particularités de son enfant, lui permettant ainsi de mieux concilier ses temps de vie, bénéficier d’un peu de temps de répit, retrouver de la disponibilité pour le reste de la fratrie, maintenir ou reprendre un activité professionnelle… bref être un parent comme les autres !

Les effets de l’accueil…

Est-il nécessaire pour finir de nous convaincre de l’importance capitale de cette question, que j’évoque les effets, pour les familles, d’une solution adaptée à leurs attentes ? Voici, en quelques mots, un petit condensé de ce que nous percevons des retours et témoignages des familles, lorsque leur demande a été prise en compte, lorsque leur enfant est accueilli… sans restriction d’aucune sorte… Pour cela, permettez-moi juste un instant de vous partager quelques témoignages de familles dont l’enfant est accueilli au sein du réseau Loisirs Pluriel…

  • Le fait que mon enfant soit accueilli dans un centre de loisirs où sont présents d’autres formes de handicap me permet de relativiser le handicap de mon enfant
  • Voir la joie des enfants valides jouer et rire autour ou avec mon enfant est une source de bonheur intérieure qui me permet de regarder mon enfant comme un enfant et non comme un enfant handicapé
  • En étant accueilli automatiquement, en répondant à nos besoins au-delà de nos espérances, nous faisons l’expérience, pour une fois, d’une réelle égalité des droits avec les autres parents
  • Le souci de la compréhension de notre enfant, qui se traduit dans la qualité de la rédaction de la fiche d’information, en des termes identiques à ceux que nous aurions employé, est une expérience unique. L’évaluation n’est pas faite pour savoir si l’on va pouvoir ou non accueillir notre enfant, mais pour savoir comment on va l’accueillir. On se livre alors en toute confiance.
  • L’accueil de notre enfant sans surcoût, ou presque, nous donne un sentiment de normalité. On est regardé comme une famille, tout simplement.
  • C’est extraordinaire de se retrouver dans un lieu où les parents d’enfants valides vous regardent comme n’importe quel parent, sans même savoir que vous êtes parent d’un enfant handicapé. Notre présence ne les dérange pas, n’est pas source d’angoisse vis-à-vis de leur enfant…
  • Permettre à l’ensemble de la fratrie de vivre un temps ensemble en dehors de la famille, partager des activités communes. Permettre à ses frères et soeurs de rencontrer d’autres handicaps, d’autres enfants en situation de handicap.
  • Retrouver un peu de disponibilité pour soi, disposer de quelques heures pour aider aux devoirs du grand au collège en toute sérénité, faire ses courses sans être soumis au regard des autres…

Pour conclure

Je me permets de le redire avec force. Les parents d’enfants handicapés sont des parents comme les autres. Ils ont les mêmes besoins et les mêmes attentes que les autres parents, malgré le handicap de leur enfant : pouvoir disposer d’un mode de garde afin de maintenir leur emploi, souhaiter voir son enfant grandir et vivre au milieu des autres enfants de son âge, pouvoir inscrire la fratrie dans un même lieu d’accueil… Ils éprouvent, ni plus ni moins, les mêmes appréhensions que tout parent, pour le bien-être de son enfant : appréhension de la première séparation, inquiétude quant à la qualité d’accueil de son enfant. Et surtout, comme les autres, ils attendent, ils veulent le meilleur pour leur enfant, et ce quelle que soit sa pathologie, quelles que soient ses déficiences ou ses limitations. La situation de handicap ne diminue en rien, voire même au contraire, les souhaits de progrès et de réussite pour leur enfant. Ils veulent, comme tout parent, le meilleur pour leur enfant, pousser le plus loin possible ses capacités, son autonomie.
Cessons de considérer les personnes handicapées au travers de leur manque.
Enlevons de nos têtes l’idée selon laquelle la vie, lorsqu’il y a handicap, serait un moins.
Affirmons que le handicap n’est dans aucune situation, une contre-indication à la relation à l’autre.
Reconnaissons aussi que prendre le temps d’aller au rythme de l’autre, plus fragile, nous permet de découvrir des paysages que nous n’aurions jamais vu au rythme où nous avalons les kilomètres de la vie.

Et pour terminer, je voudrais simplement citer cette phrase de Sénèque :

 Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que l’on n’ose pas, c’est justement parce que l’on n’ose pas que les choses sont difficiles

Pour lire l’intégralité de l’intervention de Laurent Thomas et les traces de la journée, vous pouvez cliquer sur le lien suivant :

Mieux connaître Loisirs Pluriel
http://www.loisirs-pluriel.com/

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