Plus de quinze ans après la loi de février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances… », l’accès et la pleine participation des enfants en situation de handicap aux structures d’accueil collectif de la petite enfance et de loisirs restent un enjeu majeur de notre société.
La différence, le handicap sont sujets à de nombreuses représentations qui s’avèrent souvent négatives. Les professionnels peuvent se sentir démunis et seuls face à leurs questionnements, et manquer de ressources face à ses situations :
Angèle 2 ans ne marche toujours pas, Louise 1 an semble en retard dans les acquisitions, Bertrand 4 ans est particulièrement agité au sein du groupe.
Au fil des jours, le développement ou le comportement d’un enfant vous interroge. Mais les parents ne semblent pas s’en rendre compte. Pour eux, « tout va bien ».
« Quand le handicap se découvre en cours d’accueil, comment aborder cette question avec les parents ? Avec l’équipe ? Comment continuer l’accueil de l’enfant ? J’ai des doutes… Mais que dire ? Que faire ? »
1ère clé : Ne pas rester seul face à ses questionnements.
Il faut parler de ses doutes à la direction et à son équipe. L’équipe doit discuter de ce qu’elle repère dans le quotidien de l’enfant à la crèche ; de ses difficultés, de son activité dans le groupe, de ses relations avec les autres enfants.
Il est important que les échanges se basent sur des observations au sein de la structure et non pas de des ressentis ou de ce que l’équipe croit voir ou croit savoir. Il est nécessaire d’objectiver la situation.
2ème clé : Préparer la rencontre avec les parents
Une fois la phase d’observation terminée, comment aborder la question avec les parents ?
Vous pouvez préparer la rencontre avec un tiers si vous le souhaitez (psychologue, médecin de crèche). Il faut identifier quelles personnes de l’équipe seront présentes lors de l’échange avec le père et/ ou la mère. Attention à ne pas être trop nombreux afin que les parents n’aient pas l’impression d’être devant un « tribunal accusateur ». Une solution pour éviter cet écueil est de prévoir dans son fonctionnement habituel des réunions régulières avec les parents qu’ils aient un enfant en situation de handicap ou non.
3ème clé : Rester dans son rôle
Le professionnel de crèche a comme mission l’accueil et la socialisation de l’enfant dans un groupe. Il n’est pas médecin. Il n’est donc pas là pour poser un diagnostic. Lors de la rencontre, il est donc nécessaire de se centrer sur les observations de l’équipe et de demander aux parents s’ils observent la même chose à la maison ou pas. A la suite d’une ou de plusieurs réunions la rencontre avec un professionnel de santé peut être abordée. Lui seul sera en mesure de poser un diagnostic.
Au sein de la structure, il est important que l’enfant reste avant tout un enfant comme les autres et qu’il puisse s’épanouir avec ses pairs. Les structures petite enfance restent des lieux de vie et non de soin. Elles n’ont pas pour objectif la rééducation mais bien la socialisation de l’enfant. La crèche est aussi un lieu de jeux propice aux découvertes de ses capacités et au monde qui l’entoure.
« Le jeu, c’est le travail de l’enfant, c’est son métier, c’est sa vie » Pauline Kergomard
4ème clé : Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants
Les parents ne semblent pas partager vos observations ? Selon vous, la famille semble être dans le déni ?
Les parents sont les premiers concernés par le bien être, l’évolution, le développement de leur enfant. Il est indispensable de les écouter, de dialoguer avec eux dans un climat de confiance. Il est important de respecter leur rythme, de leur laisser du temps et de toujours laisser une porte ouverte à la discussion. Parfois les deux parents n’auront pas le même point de vue sur la situation. Là encore il faut écouter les différents points de vue pour rechercher une décision commune.
Il est primordial de ne pas être dans le jugement et de respecter le rythme des parents même si vous avez l’impression que cela retarde un éventuel diagnostic.
Pour tout enfant accueilli dans la structure, les parents sont les premiers interlocuteurs des professionnels et les personnes qu’il faut prioritairement questionner pour apprendre à mieux connaître l’enfant.
5ème clé : Accompagner la famille
L’annonce d’un handicap ou d’une maladie est un long chemin pour les parents et l’enfant. C’est souvent une période traumatique pour l’ensemble de la famille.
Votre rôle de professionnel de la petite enfance, c’est d’accompagner la famille durant cette période en instaurant un lien de confiance. L’accueil de l’enfant différent peut être réadapté en fonction des observations de l’équipe et de ses spécificités. Pour les parents, les lieux d’accueil sont des bulles d’oxygène pour l’enfant comme pour l’ensemble de la cellule familiale hors d’un planning médical souvent très chargé.
6ème clé : Accueillir l’enfant au-delà d’un diagnostic
L’attente d’un diagnostic peut durer plusieurs mois ou années ou parfois ne jamais être posé.
Cette absence de diagnostic ne peut être en aucun cas être un frein ou être l’objet d’un refus d’accueil.
Il faut être vigilent à ne pas réduire l’enfant en situation de handicap à son handicap ou à sa maladie, il reste avant tout un enfant avec des besoins parfois spécifiques mais ne doit pas être seulement regardé par ce prisme. Ses besoins ( jouer, s’amuser, découvrir, explorer, dormir, manger…) doivent être pris en compte comme on le fait naturellement pour les autres enfants.
7ème clé : Le travail en réseau
L’enfant en situation de handicap sera certainement entouré par différents professionnels. Travailler en coopération avec ces équipes (médicales, médico-sociales, libérales, scolaires) peut permettre un enrichissement mutuel et un meilleur accompagnement de la famille. Cette mise en lien peut aussi éviter les ruptures de parcours notamment entre la crèche et l’école ou la structure spécialisée. Toutefois, cette question est à traiter au cas par cas en questionnant la famille. Certains parents peuvent souhaiter rester l’unique interlocuteur entre les différentes structures/équipes.
8ème clé : La mobilisation des ressources sur son territoire
Il peut arriver qu’une équipe ne trouve pas de solution pour l’accueil d’un enfant en situation de handicap ou que l’équipe se trouve en difficulté pendant l’accueil. Dans ces cas-là, il ne faut pas rester seul face à ces difficultés.
Sur l’ensemble des départements, des Pôles de Ressources et d’Appui sur l’enfance et le handicap se sont créés. Ces pôles accompagnent les professionnels dans leurs réflexions et leurs démarches pour l’accueil des enfants en situation de handicap et sont des ressources incontournables pour les structures d’accueil.
Des formations autour de l’accueil de l’enfant en situation de handicap existent également. Elles peuvent vous apporter des apports théoriques et pratiques afin d’accueillir au mieux les enfants en situation de handicap dans les crèches.
L’association Une Souris Verte anime le Pôle de Ressources et d’Appui dans le Rhône et accompagne tous les professionnels du territoire par des soutiens individualisés ou des ateliers collectifs sur une thématique spécifique. De nombreux outils et ressources sont mis gratuitement à la disposition des professionnels qui en font la demande : valises pédagogiques, outils de sensibilisation pour les équipes, les familles ou les enfants, documentation et ouvrages pour accompagner la réflexion sur la dynamique inclusive, etc.