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Arthur, mon petit garçon, aujourd’hui tu as sept ans ! Je te souhaite un joyeux anniversaire ! ??
Le jour de ta naissance fleurissait en moi un amour insoupçonné, indéfinissable.
Pour l’accepter, le laisser entrer, il me fallait vider mon cœur de tant de larmes. Ce jour-là, un flot d’émotions salées inondât tout mon corps. Sensations si subtiles d’extrêmes, que je tente encore parfois de décrire il est vrai ! Mélange d’une profonde incompréhension, d’un puissant déni, d’une joie immense, d’une détresse absolue et d’un tendre moment, une offrande à la vie que je ne peux m’empêcher d’enlacer.
Où suis-je ? Quelque part, perdu entre « l’Apocalypse » et les « Champs Élysées » : miroirs mythologiques de nos désirs parentaux où l’on oublie la réalité pour se concentrer sur nos idéaux.
Je comprends désormais que l’Univers me purifiait. Damoclès, de sa jolie lame de fond, devait trancher et cautériser ces idées absurdes : « Cela n’arrive qu’aux autres ; je serais trop faible pour supporter les regards ; je n’aurais pas la patience nécessaire de t’accompagner dans ton développement ; il me manquerait l’envie, parce que le doute »…
Finalement, tout simplement, il me fallait m’éloigner de la peur, pour me rapprocher de l’Amour.
Tout comme mes mains nettoyant ton petit corps pour la première fois, prémices de l’acceptation de l’annonce de ton handicap, cet Univers me permettait à ce moment-là, d’être suffisamment père pour t’offrir, à travers ce premier véritable regard, la force et le courage de renverser les préjugés.
Ensemble, acceptons de croquer celles difformes, plus petites, ou plus grosses.
Ensemble, exposons dans les rayons la diversité et enthousiasmons-nous d’aller à sa rencontre. Elle a le goût de la curiosité, de l’échange, de l’amour véritable.
Merci, Arthur de m’avoir fait mûrir !
Je vois chaque jour en toi cette intelligence émotionnelle incroyable. Celle plus grande et plus abstraite encore que de savoir compter jusqu’à 1000 ou bien d’achalander les mots. Tu as dans ce monde un rôle à part, que nul n’a le droit d’écarter, ni d’ignorer. Tu sais d’ores et déjà lire l’Autre d’une manière admirable ! Tu as une importance capitale dans cette société qui ne sait plus trop qui elle est, où elle va, se recentre sur elle-même de peur de ce qui sera. Toi tu es là, amenant la joie et bien plus que cela. Tu participes à des instants si délicats sans aucun préjugé. Je t’admire. Je suis envieux de ta spontanéité et tente de suivre ton exemple. Tu vas au-devant, sans craindre les regards. Tu montres à ceux qui t’entourent que les choses sont si simples. Cela peut être parfois dérangeant pour certains, mais si poétique pour d’autres.
Un simple regard échangé avec toi est un merveilleux cadeau. Mes yeux pétillent, mes lèvres sourient intensément de te regarder construire une cabane avec ton frère, de te voir t’appliquer à dessiner le père Noël, de t’observer écrire ton prénom… Je suis encore plus heureux lorsque sur ce bateau, tu viens vers moi, le regard espiègle, pour prendre le « macaron » et regarder au loin. Les apprentissages sont difficiles, mais demain tu fixeras ton propre cap ! Mon rôle aujourd’hui est de te guider sur ton chemin.
Je suis si fier de toi. Tu as appris à te mettre assis, debout, marcher, dire papa et maman, construire, casser, recommencer, signer aussi cette si jolie langue (merci @AAD Makaton), demain bien d’autres progrès ! Patience, tout arrive à qui sait attendre.
Bientôt, une nouvelle étape, un nouveau cap ! Il sera long et difficile… Sûrement plus long et plus difficile que la plupart de tes camarades c’est vrai. Je sais que cela tu le perçois d’ailleurs. Quoi qu’il en soit ! Sache que tu es bien entouré. Nous serons là pour t’épauler, te protéger, te guider vers tes envies dans la bienveillance.
Ici, j’aimerai décrire ces tentatives de culpabilisation dont nous devons nous émanciper avec ta maman. Mais… Est-ce le bon moment ?… Oui, car te souhaiter un joyeux anniversaire, c’est aussi fêter ce que tu as accompli et faire un vœu pour demain.
Beaucoup de parents ont vécu ou vivront ce passage, méandre il est vrai, suffisamment délicat pour ne pas se rajouter d’embûches ! Mais… Bon ! Une de plus ou de moins ! Allez, je me lance..!
Je souhaite parler de cette fameuse réunion « PPS » nécessaire pour ton avenir en CP ou quelque part, je ne sais vraiment où ! (enfin si, je me suis renseigné un peu quand même).
Je vais sûrement accentuer le trait et tenter de filer une métaphore pour permettre à ceux qui ne connaissent pas ce « Projet Personnalisé de Scolarisation » d’imaginer la scène.
Vous êtes assis autour d’une table avec toutes les personnes qui interviennent de près ou de loin dans la scolarisation de votre enfant : Éducatrice spécialisée, psychomotricienne, orthophoniste (excusée ce jour), psychologue de l’école, AVS, enseignante, directrice de l’école, enseignante référente de la MDPH.
L’impression, si je fermais les yeux, un instant, au début de la séance, d’être au cœur de l’ultime scène d’un Western ! Mon devoir : absolument rentrer dans ce canyon tout en sachant que le danger guette, que tout autour de vous se cachent peut être des gringos… Appelons-les ainsi, une fois n’est pas coutume ! Plus en amont du scénario, certains des prétendants de la scène vous avaient signifiés que tout irait bien. Après tout, vous aller simplement chercher au bout du canyon celui qui tracera la ligne du prochain « cheval de fer qui crache le feu ». Celui qui, avec vous, guidera votre enfant vers un avenir encore plus opportun, vers le grand ouest et ses plaines fertiles ! Vous avez arboré assez convenablement vos étoiles de « shérifs » (avec papa et maman associés dans les rôles principaux), pour ainsi dire prêts à tout pour faire régner l’ordre le plus humblement et respectueusement possible dans ce microcosme des personnes en charge du développement adapté de votre enfant. Vous ne pouviez en faire autrement, puisque vous êtes venus d’ailleurs (oui, un parent d’enfant handicapé vient forcément d’un autre monde : je choisis le Mexique, sans trop savoir pourquoi dans cette métaphore, le joli Sombrero peut-être).
C’était bien sûr sans compter sur l’influence que pouvait avoir le Maire de cette bourgade du Colorado, du coiffeur, de l’épicier et bien entendu du pire des gringos : le gérant du saloon. Oui, tout le monde vient en ce lieu s’abreuver de la douce cervoise servie avec un léger sourire en coin ! Certains la boive sans soif, pas le choix, sinon une tape sur les doigts et n’y a plus droit ! Est-ce ici que j’ajoute un peu de musique ? French cancan, folk mexicain pour aider à avaler la pilule ou blues pour la mélancolie ? À vous de choisir !
Si je n’avais jamais regardé de Western auparavant, je serais rentré dans ce canyon des plus sereins. En fait, assez niaisement, ce fut le cas !
Heureusement pour moi, les gringos n’avaient pas d’armes, juste des lance-pierres. Mon fidèle destrier (intuition) a su esquiver de bien grosses caillasses ! Je garde tout de même en cicatrice (une de plus), celle imputable aux shérif-adjoints ayant retourné leur veste au dernier moment. Le patron du saloon avait dû sortir sa plus belle bouteille de whisky et son plus beau sourire ! Qu’à cela ne tienne nous ne sommes pas rancuniers. Nous avons juste un peu de mémoire. La prochaine fois nous viendrons équipé d’un Colt et d’une Winchester ? !
Une autre pierre a bien failli m’atteindre du haut de la falaise : nous, tes parents, ne ferions pas les bons choix ! Sache que c’est en stratèges éclairés et bienveillants (malgré ce qu’ils pensent), que nous ne tomberons pas dans ce guet-apen bien rodé, dans lequel ces gens ont déjà décidé de ce que tu dois devenir. Ce, depuis ton entrée à l’école sans même prendre le temps de te voir grandir. Ils ont cette certitude agaçante de leur système qui serait bien huilé, mais dans lequel ils ne tiennent que peu de rigueur à l’individualité. Un système bombardé de subventions ou la liste d’attente est souveraine. Ou les choix proposés ne sont qu’inquiétudes pour les parents. N’y aurait-il pas d’autres moyens moins coûteux et plus appropriés (formation des professionnels, valorisation du statut des AESH, SESSAD intégré à l’école, etc). L’impression d’avancer de quelques pas pour reculer du double. Pourtant à mon échelle, je n’ai pas de solution miracle, il faudrait être nombreux, motivés et disponibles pour échanger et imaginer des perspectives. Certains diront que nous avons de la chance d’être en France. Il est vrai aussi que nous ne sommes que très rarement satisfait ! J’ajouterai que c’est une nécessité que de toujours chercher la remise en question, l’analyse, le progrès.
Je ne le souhaite à personne soyons clair, mais je crains qu’un jour cette épée de Damoclès tombera sur ce système éducatif. A moins qu’il ne prenne conscience de sa déroute. Sans nul doute, bientôt devra-t-il faire son propre deuil. Celui pour lequel je sais dorénavant qu’il fait grandir. Celui, dont il s’amuse à nous renvoyer subtilement, lorsque l’on est trop persistant. Celui qui les arrangerait localement, politiquement, économiquement, silencieusement. Celui de « l’enfant parfait ». Nul n’est parfait ! Surtout pas l’Education Nationale. Je m’étonne même qu’à l’image de son GEVA-SCO (guide d’évaluation scolaire), elle n’ait pas encore réalisé de manipulation génétique. Ceci dit, l’Etat sans charge. Eugénisme, bien plus radical avec une prise de sang fiable à 99% pour éradiquer la Trisomie 21 ! Mais, nous ne sommes pas dupes ! De toute façon cela ne changera rien ! Il y aura toujours des enfants particuliers parce que justement ils ont un rôle à jouer dans cet Univers. (Je vous prie d’accepter toutes mes excuses quant à l’aspect ironique souhaité de cette dernière prise de position personnelle sur la Trisomie 21).
Pour revenir sur ce deuil de « l’enfant parfait ». Je crois observer que ce mastodonte n’en a même pas conscience. Il laisse de côté bien des élèves, s’acharne à en exclure d’autres le plus tôt possible parce que ces derniers le renvoient à ses propres manquements, offre un idéal élitiste à quelques-uns dont beaucoup reviendront, faute de considérations et d’un minimum de déductions sur les résultats attendus à terme de cette si chère (dans tous les sens du terme) Education Nationale.
En m’intéressant aux Métamorphoses d’Ovide, très long poème latin (je suis loin d’avoir tout lu, bien trop long), il me semble me souvenir que du lieu où mourut « Narcisse », une fleur naquit ?
Ce système éducatif s’obstine dans l’improbable : le non-respect des lois, pire : se ment à soi-même. Bref ! Je vais m’arrêter ici ! Mais, je sais qu’en tant que parent d’enfant en situation de handicap, qu’il est de notre ressort de faire bouger les choses.
Toi mon fils, pour le moment tu es trop petit pour comprendre les détails. C’est notre combat de parents ! À nous de faire respecter la législation et de l’améliorer. Imaginons et construisons un système plus inclusif (vraiment), moins stigmatisant, culpabilisant. Je n’en veux à personne véritablement, sinon à ceux qui se regardent un peu trop le nombril. Nous croiserons les doigts en attendant la réponse de la MDPH, sans trop y croire, car les bilans envoyés dans le dossier ne sont du fait de ces changements inopinés pas vraiment en faveur de ce que l’on espérait pour toi. Ceci dit, maintenant que l’on sait précisément qui tire les ficelles, nous n’hésiterons pas à étoffer et renouveler notre demande. Elle sera, par ailleurs, soutenue plus efficacement par des textes de lois et s’il le faut d’un accompagnement extérieur.
Arthur, mon amour, je te sais fort et courageux. Je te félicite de tout ce que tu as accompli et je suis confiant pour demain !
Promis ! Aujourd’hui, je ferai abstraction de ces tracas. Je vais profiter de l’instant avec toi et ton petit frère Léo.
Joyeux anniversaire Arthur ! Je t’aime très très fort, infiniment !?
Ton Papa !
Le 21 mars prochain, chaussettes dépareillées pour tout le monde en cette journée nationale de sensibilisation à la Trisomie 21. Même si l’on doit rester chez soi, il est toujours possible de s’envoyer une photo.
Page Facebook : https://www.facebook.com/arthursurloire/
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