Le vieillissement des parents : du point de vue de la fratrie

Le vieillissement des parents : du point de vue de la fratrie
02.12.2024 Réflexion sur Temps de lecture : 6 min

Extrait de la synthèse de l’étude « Polyhandicap et parents âgés : anticiper et construire l’après-soi pour son enfant polyhandicapé » (2024)

Réalisation de l’étude et rédaction du rapport et des supports graphiques : Mylène CHAMBON, anthropologue, bureau d’études émiCité Cécilia LORANT, cheffe de projet, bureau d’études émiCité

Présentation

En 50 ans, l’allongement de la durée de vie des personnes polyhandicapées a fortement augmenté, passant de 3 ou 4 ans dans les années 1960, à plus de 50 ans aujourd’hui. Le Centre de Ressources Multihandicap, appuyé par le bureau d’études émiCité a souhaité s’intéresser au corollaire de l’avancée en âge de ce public, à savoir : le vieillissement de leurs parents. Alors que depuis la naissance de leur enfant, le corps médical annonce à ces parents le décès prématuré de leur enfant, comment ces derniers se préparent-ils à partir, peut-être, avant lui ?

Pour recueillir le point de vue des familles – parents âgés et fratries – il a été choisi de mener une enquête qualitative par entretiens compréhensifs basés sur l’écoute non directive de la personne. Un comité de pilotage composé de familles, d’associations ou fondations gestionnaires de structures d’accueil d’adultes polyhandicapés a permis d’entrer en relation avec 12 familles volontaires pour participer à cette étude

L’implication de la fratrie aujourd’hui

Les fratries rencontrées n’ont pas toutes le même rôle auprès de leur sœur ou de leur frère en situation de handicap. Il y a celles qui ne sont pas du tout présentes, celles qui n’ont qu’un « simple » rôle de frère ou de sœur c’est-à- dire qu’elles fréquentent leur frère ou leur sœur porteur de handicap mais elles ne sont pas impliquées dans la gestion de son quotidien. Enfin, il y a celles qui sont déjà en situation d’aidance.

Une relation de plaisir

Certaines fratries ont aujourd’hui avec leur frère ou leur sœur handicapé une relation fraternelle. Ils le ou la voient à l’occasion d’une visite chez leur parent, ou lors d’évènements familiaux (noël, anniversaires) mais ils n’organisent pas eux-mêmes son accueil chez eux ou ne lui rendent pas visite dans son
établissement sans leurs parents. La plupart, sauf cas exceptionnel, participent à ces rencontres avec leur propre famille conjoint et enfants. Ainsi, la fratrie apporte souvent une aide dite « indirecte » (écoute, conseils, aide à la décision).

Passer d’une relation de plaisir encadrée par les parents à une relation d’aide est assez complexe car d’autres contraintes prennent le dessus comme par exemple, la responsabilité de son frère ou de sa sœur : gérer ses émotions, être vigilant pour les repas, respecter les temps
de repos, faire face aux résistances ou blocages et comprendre quels en sont les causes. Ces savoirs ne s’acquièrent que dans l’expérience. La possibilité d’un échec dans la prise en charge
par la fratrie du frère ou de la sœur polyhandicapée pourrait avoir des incidences négatives pour la fratrie (dépréciation de soi, sentiment de culpabilité, mise en danger du frère ou de la sœur, sentiment de trahison de la volonté de ses parents)

Une relation d’aide

Parfois, la fratrie est mobilisée depuis de nombreuses années sans que cela ne soit réellement un choix. L’aide apportée peut être :
soit un remplacement des parents, parce qu’ils ne sont plus là (décès ou abandon de la charge parentale)
soit une aide apportée à l’aidant principal. On parle alors de co-aidant ou d’aidant secondaire

L’une et l’autre de ces positions génèrent de la satisfaction et de l’épuisement. Néanmoins, le co-aidant est plus souvent oublié dans la reconnaissance de l’aide apportée que l’aidant direct. Les filles plus que les fils, sont
régulièrement sollicitées pour « rendre service » et petit à petit, les services rendus deviennent indispensables et la charge peut monter progressivement jusqu’à devenir très importante. L’implication et le dévouement pour sa famille, additionnés à d’autres difficultés peuvent donc conduire au burn-out et à une remise en question de ce rôle imposé. Ce sentiment d’épuisement est aussi parfois accompagné d’un sentiment d’injustice vis-à-vis des autres membres de la fratrie qui ne sont pas ou ne se sentent pas autant impliqués.

L’implication de la fratrie demain

Si les fratries n’interviennent pas toujours dans l’aide auprès du frère ou de la sœur polyhandicapée, en revanche, elles sont témoins de l’aide que leurs parents apportent et surtout des difficultés qu’ils commencent à rencontrer pour maintenir leur présence auprès de lui et s’inquiètent pour l’avenir.

Les craintes liées au vieillissement de leurs parents

Les fratries constatent que leurs parents commencent à vieillir. Ils se fatiguent plus vite, ils sont plus fragiles physiquement et émotionnellement et leur état de santé de façon générale se détériore. Face à ces
constats, ils se sentent l’obligation d’agir :
soit en devenant le relais physique de leur parent pour les aider à maintenir le niveau d’aide apportée,
soit en les aidant à lâcher prise, progressivement, et à prendre davantage soin d’eux

La charge qu’assume la fratrie est souvent un tabou : les parents n’osent pas s’avouer qu’ils en font moins et les fratries n’osent pas dire qu’elles en font trop. La passation se fait au fur et à mesure que les difficultés des
parents apparaissent sans que chacun n’exprime son avis sur ce qu’il souhaite faire ou ne pas faire.

Devenir le tuteur de son frère ou de sa sœur

Cette continuité est présente dans tous les esprits. Cependant, bien que l’échéance s’approche, le sujet ne fait pas toujours l’objet d’un échange qui obligerait les parents à exposer leur demande, et les enfants à y répondre (positivement ou négativement). Dans ce contexte, devenir le tuteur de son frère ou sa sœur ne fait pas réellement
l’objet d’un choix et est souvent la source d’inquiétudes :
crainte de ne pas savoir faire et de ne pas prendre les bonnes décisions
crainte d’avoir à s’occuper également de leurs parents et de se retrouver dans un rôle d’aidant multiple.

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