Clown à l’hôpital…

Clown à l’hôpital…
17.06.2014 Expériences et initiatives Temps de lecture : 7 min

Je m’appelle Isabelle Bazin, je suis musicienne et chanteuse sur scène depuis 20 ans et je suis aussi clown depuis 7 ans, clown à l’hôpital plus exactement. Je travaille pour l’association lyonnaise Vivre aux Eclats, aux côtés de 7 autres comédiens.

Je travaille pour l’association lyonnaise Vivre aux Eclats, aux côtés de 7 autres comédiens.

Je suis devenue clown à force d’entendre des personnes sortant de mes concerts et me félicitant pour mon personnage de clown. Je me suis dit qu’il y avait sans doute une piste à creuser ! Et j’aime aussi beaucoup faire rire les gens ! J’ai donc suivi plusieurs stages professionnels pour commencer à aborder et à apprendre cette discipline difficile qu’est l’art du clown. Puis l’on m’a proposé de passer une audition pour intégrer l’équipe de Vivre aux Eclat et après quelques étapes :

 je suis devenue Gustina, ma clowne née à l’hôpital !

Tout l’art du clown qui évolue à l’hôpital est de déclencher des émotions, d’accueillir ces émotions quel qu‘elles soient, et de déplacer les personnes qui se trouvent là par la force de l’imaginaire. Notre présence dans un établissement se doit d’apporter un confort de vie et de tenter d’extraire la personne du lieu où elle est par l’imagination, le jeu, la joie, la fantaisie, la musique… Le clown s’adresse à tout le monde : enfants, familles, patients, personnel soignant, personnel d’entretien….. Il n’a aucune notion de hiérarchie ni de convention sociale, chaque personne est au même niveau. Et tout est prétexte à jouer. Le clown, c’est aussi l’art de se mettre à nu, d’ouvrir son cœur. Pour toucher l’autre au plus près.

Vivre aux éclats

L’équipe de Vivre aux Eclats se compose de 8 comédiens tous salariés par cette association comme intermittents du spectacle. Il y a aussi un coordinateur artistique, une directrice administrative, une personne chargée de la recherche de fonds et une secrétaire.
Vivre aux Eclats intervient dans 4 lieux dont un établissement accueillant des enfants polyhandicapés en internat et l’Hôpital Femme-Mère-Enfant.

Formation

Nous avons tous à la base une solide formation soit d’acteur, soit de musicien. En équipe, nous avons des sessions de « training » de 5 jours 3 fois par an. Ce sont des moments où nous travaillons le corps, la voix, le masque facial, l’échelle des émotions, les registres de jeu… Il faut apprendre à se mettre en disponibilité, à écouter ses émotions à l’intérieur pour ensuite les transmettre au public. Il faut toujours rebondir, c’est un travail très précis, très intransigeant.
Nous avons aussi des séances d’analyse de la pratique une fois par mois avec une psychologue pour évoquer les situations difficiles. C’est indispensable et très instructif.
Nous avons enfin des formations par le personnel de l’hôpital sur les différentes pathologies et sur leurs impacts sur les patients que nous rencontrons.

Déroulement d’une journée

Les interventions ont lieu une fois par semaine dans chaque lieu et notre présence dure toute la journée. Nous arrivons le matin vers 9h « en civil » pour la « relève » : c’est un temps de transmission où nous prenons des nouvelles des enfants (ou patients) en échangeant avec le personnel de l’établissement. Ce temps de transmission permet aussi de sentir l’ambiance générale, de voir s’il y a des tensions dans le service et arriver ainsi en clown à la même « température » et ambiance que le personnel et les enfants ce jour-là. C’est important aussi pour ne pas commettre d’impair. Dans l’un des établissements, cela fait douze ans que nous intervenons donc nous connaissons bien les enfants, leurs habitudes, ce qu’ils aiment ou n’aiment pas, mais aussi le personnel et parfois les familles. C’est un lieu de vie, l’ambiance est familiale.

Le clown doit être le plus disponible possible à ce qui se passe, il capte tout, et tâche de redécouvrir les lieux à chaque fois.

Ensuite nous allons dans notre « loge » (ou vestiaire) pour nous changer et nous échauffer. C’est le moment d’ôter sa carapace pour être vraiment là. Nous n’avons pas de texte à répéter, tout est improvisé puisque nous ne savons ce qui va se passer en entrant dans une chambre. L’enfant dormira-t-il ? Sera-t-il souffrant, ou au contraire demandeur ? Resterons-nous 1 minute ou un quart d’heure ?
Nous sommes toujours en duo lors des interventions. Cela nous donne du jeu entre nous et permet parfois à un enfant de ne pas participer activement, d’être juste spectateur et observateur du jeu des deux clowns. Nous intervenons dans le service environ 1h30 à 2h le matin et la même chose l’après-midi. Nous allons de chambre en chambre, et rencontrons aussi des personne dans les salles d’attente.
En fin de journée, nous remplissons un cahier dans lequel nous résumons les interventions du jour et la vie du service ; ce cahier sera lu par le prochain duo de clowns.

Tous les niveaux de jeux peuvent être abordés, du plus calme au plus énergique, il faut juste être à l ‘écoute et se mettre au diapason de la personne !

Généralement tout se passe bien mais nous sommes humains et le clown n’est pas une science exacte. Parfois nous ratons, nous sommes trop « lourds », pas assez à l’écoute. On tente tout, mais ça ne marche pas toujours.

Notre objectif est de partir gagnant, après avoir obtenu un petit sourire, perçu une émotion ou déclenché un rire général !

Les limites

Le jeu du clown à l’hôpital est cadré par certaines limites liées à l’hygiène, la sécurité, les pathologies. Nous ne pouvons pas non plus aller au sol, aller sur les lits ou parler de certains sujets (religion, politique). Il nous faut faire attention au bruit car il peut être gênant pour les gens qui n’assistent pas directement au jeu. Mais quoi de plus touchant et drôle qu’un clown qui s’excuse platement d’avoir dérangé… en faisant encore plus de bruit !!! Nous sommes également tenus par le secret professionnel.

Expérience personnelle, moments forts

Nous connaissions Martin (prénom d’emprunt) depuis 5 ans. Cet enfant présentait toujours un visage douloureux. Ses grands-parents très présents, aimaient venir le jour des clowns. Un lien fort s’est ainsi créé entre nous. Ses grands-parents jouaient le jeu… c’était « papy et mamy » !
J’étais présente en clown le jour du décès de Martin, Papy et mamy également… Le lien était si fort que nous nous sommes pris dans les bras et avons pleuré ensemble.

Une autre fois nous avons mis 9 mois pour entrer en contact avec une fillette. Au départ nous ne pouvions pas rentrer dans la chambre, puis elle a accepté de nous écouter cachée sous les draps, puis elle a baissé le drap sous ses yeux. Peu à peu, on s’est apprivoisé et nous avons pu jouer ensemble et provoquer de beaux éclats de rire !

Nous sommes là pour distraire tout le monde, les enfants, les familles, le personnel. Dans un des établissements où nous jouons, la direction encourage même son personnel à prendre du temps pour jouer avec nous, car tout le monde y gagne !

Le clown n’est pas un soignant, mais c’est un vrai partenaire de soin.

Nous apportons de la vie, nous offrons aux personnes qui subissent le fait d’être à l’hôpital la possibilité d’être eux-mêmes acteurs du jeu. Les enfants, les personnes âgées doivent sans cesse dire oui aux soins, oui à la maladie, etc. Avec nous, ils peut redevenir eux-même et choisir de dire non s’ils ne souhaitent pas la présence des clowns, de participer ou pas, ils peuvent même donner des ordres au clown, avoir du pouvoir sur le clown et c’est souvent source d’une grande joie chez les petits comme chez les ainés !

 Pour résumer, le clown a le cœur ouvert en grand, c’est une boule d’émotion, un instinctif, avec une grande générosité et beaucoup de conviction. Il accepte de montrer sa « connerie » et son cœur au monde et crée le rire autour de lui car il touche tout le monde !

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