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À tous ces parents éprouvés par la maladie ou le handicap grave d’un enfant et qui n’ont pas pu faire face ou qui ont tout essayé sans pouvoir continuer…
Un mot d’amour pour tous les parents d’enfants handicapés qui se sont séparés ou qui ont du placer leur enfant peu importe la ou les raisons.
Je suis la super maman d’un beau garçon de 4 ans adorable et lourdement handicapé aux problèmes de santé multiples. Croyez-moi notre vie est remplie de défis, de petits deuils, de larmes de rage et d’impuissance mais aussi de petits accomplissements et d’amour inconditionnel.
Nous faisons ce qui doit être fait, nous trouvons des solutions et innovons.
Nos sorties doivent être planifiés et ne sont pas simple avec son horaire de soins, son oxygène et ses gavages mais elles nous font tout de même le plus grand bien quand elles sont possibles. Nous avons de l’aide, beaucoup d’aide et de services, et nous l’apprécions infiniment et notre grande fille de 7 ans aussi! Quand on me dit que je suis forte et que je suis extraordinaire, j’en suis fière et ravie. Je crois mériter ces compliments et je suis sincère quand je les accepte. Ça me fait plaisir bien sur mais je me dis aussi que si j’étais moins forte, que j’avais moins d’aide, que je ne trouvais pas en moi la force d’avancer et de faire ce qui doit être accompli, que j’étais dans un déséquilibre si profond que mon visage serait perpétuellement teinté par la tristesse ou la détresse, je n’aurais pas d’encouragements ni de compliments et pas plus d’aide! Non, je recevrais de l’indifférence, du jugement ou du mépris.
Ce n’est pas par indifférence ou par cruauté que des parents craquent ou abandonnent, c’est par manque de ressources et d’aide. Nous vivons une tempête après l’autre, des différences de perceptions, des essais, des erreurs, c’est replonger dans un drame, alors que l’on est pas remis de l’épisode précédent, c’est perdre une aide pourtant nécessaire ou ne pas réussir à l’avoir après moult combats. Un parent incapable de trouver en lui assez de force pour faire face, est-ce qu’il doit-il être jugé avec mépris? Vous l’auriez-vous cette force? En êtes vous bien certain? Non! On aime bien les parents qui sont à la hauteur, qui assurent, qui sont forts, surtout s’ils sont confrontés à des réalités plus dures mais le fait est que tout le monde n’y arrive pas! La plupart des gens ne comprennent pas comment on y arrive mais jugent durement ceux qui ne parviennent pas à faire à peu près normalement leur vie dans notre contexte! C’est dur, très dur… rien n’est en fait plus dur que cela! Je ne peux juste plus accepter que l’on me complimente en souriant et ne pas prendre la parole pour ces autres qui n’ont pas su, ces autres qui n’ont pas pu, ces autres qui n’y arrivent plus! Il faut les comprendre et avec plus d’aide, ils y seraient fort probablement mieux parvenus. Cet échec est un échec de société, pas juste le leur ! Dans les familles comprenant un enfant gravement handicapé, c’est 87% des couples qui se brisent. Quelle mère peut lever la main et dire à une mère monoparentale ayant un enfant gravement handicapée sous sa pleine charge: « tu es une lâche de ne pas réussir à te sortir de cette détresse seule. »? Qui peut regarder dans les yeux cette femme instruite ou pas, non employable (parce que souvent à l’hôpital avec son petit) et probablement pauvre ou presque, qui ne sort pas faute d’argent et de gens aptes (ou intéressés) à s’occuper d’un enfant si fragile et particulier et lui dire qu’elle est méchante ou paresseuse de ne pas rester forte, de ne pas assurer? Moi pas!
Qui est lâche? Celui qui choisit de ne pas voir parce qu’il ne sait pas comment aider ou qui ressent un trop grand malaise? Celle qui a trop longtemps essayer de réussir seule une épreuve plus grande que son cœur et qui a du se résoudre au plus grand échec, au plus grand deuil de sa vie? Une maman qui en vient à renoncer à son enfant qu’elle aime de toutes ses forces même après des centaines ou des milliers de tentatives ou de batailles ou qui doit accepter de le placer, peut-on vraiment croire qu’elle y soit arrivé de gaieté de coeur ? Doit-on vraiment ajouter du mépris et de l’incompréhension sur leurs épaules? Je braille ma vie d’imaginer que l’on puisse ajouter un pareil poids sur des épaules voutées qui n’en peuvent plus? À défaut d’avoir su l’aider avant, portez leur poids cinq minutes, aidez-là à se relever et ayez un geste tendre de compréhension. Si vous ne vous en sentez pas la force, gardez-vous bien de juger cette personne qui en clairement traversé des épreuves qui vous dépassent. Quelqu’un qui y arrive comme j’y arrive jusqu’à maintenant est applaudi et c’est bien mais nous n’avons pas tous les mêmes conditions ,les mêmes limites, la même éducation, les mêmes outils, les mêmes défis ni les mêmes capacités…
À toi qui juge je demande, comment savoir si vraiment tu aurais pu faire mieux? Dans la majorité des cas, c’est l’aide qui leur est refusée qui rends cette douloureuse déchirure inévitable! Gardez-vous bien de mépriser et de juger ces familles affligées et leurs enfants… Se retrouver sans travail, sans conjoint et parfois sans amis en plus de vivre les contraintes lourdes du quotidien de ces enfants? Comment imaginer que l’on puisse réussir tout seul? Je vais le dire, c’est impossible! On leur demande l’impossible et en plus on leur demande de ne pas le montrer si ça devient dur! N’y a t-il que moi qui voit l’injustice et la cruauté de cette situation?
J’ai la grande chance d’avoir dans ma vie un amoureux fort et solide, capable de marcher avec moi sur ce cahoteux et difficile chemin, mais ni lui ni moi ne jugeons ceux qui quittent la barque. Au risque de choquer encore une fois, nous les comprenons. Si nous restons unis, c’est que nous sommes tous les deux assez outillés, aimants, entourés et forts pour poursuivre. Je doute fort que toutes ces conditions ne soient présentes que par notre seule volonté ou que parce que l’on s’aime très fort. Un couple sur deux se sépare déjà, que le taux de séparation soit bien supérieurs dans des familles fragilisées n’a rien d’étonnant. Souvenez-vous les premières semaines ou les premiers mois d’un nouveau-né… c’est souvent difficile. Difficile de se parler calmement quand on manque de sommeil, difficile de savoir ce dont l’enfant à besoin, difficile de calmer ses pleurs, difficile de recevoir des conseils non-sollicités et des jugements, difficile de se sentir incompris, difficile de discuter calmement de nos attentes et de nos valeurs quand on ne dort pas assez… Les premières années décoiffent parfois et brisent des couples assez souvent mais souvent la tempête passe… le calme revient! Éh bien, chez nous la tempête ne passe jamais… elle fait des pauses!On profite comme on peut des brèves accalmies, on rend grâce pour chaque demi-journée de soleil et quand le vent se lève on s’accroche ne sachant jamais ce qu’il restera après. Le doute et la peur sont toujours présentes et plus ou moins bien enfouis. Après cette autre tempête, la mort aura t-elle frappée? Maman ou papa saura t-il encore se relever? L’impardonnable sera t-il prononcé? Perdrons-nous le peu de contrôle que l’on estime avoir? Aurons-nous le temps de remonter à la surface avant de replonger dans le noir? Bien souvent, on ne s’endure pas soi-même, on ne sait pas gérer tout ce qui monte en nous. Comment en vouloir à cet autre devant nous qui change, qui est triste, qui ne sait pas? Comment en vouloir à cet autre, comme nous face au pire, qui crie quand on pleure, qui pleure quand on panique, qui ne tient plus debout mais qui veut fuir, qui veut devenir sourd, qui a besoin de calme?
Bien des familles se brisent pour beaucoup moins mais si on les aidait plus? Je ne parle pas que d’argent ici… Si on les accompagnait? Si ces couples pouvaient sortir sans s’inquiéter, prendre des vraies pauses? S’ils ne se sentaient pas jugés au point de vouloir se cacher? Peut-être ne se déchireraient-ils pas? Je me sens bien incapable de les juger ces pères ou ces mères déchirés jusqu’aux entrailles qui ne savent plus se redresser et continuer. J’estime même que nous avons collectivement, une partie des torts. Ce n’est pas la gravité de la maladie ou du handicap qui détermine à elle-seule le besoin d’aide… Si le handicap est moins lourd mais la mère seule avec 4 enfants… Son besoin n’est il pas aussi criant que le nôtre?
À tous ces parents éprouvés par la maladie ou le handicap grave d’un enfant et qui n’ont pas pu faire face ou qui ont tout essayé sans pouvoir continuer peu importe les raisons, je souhaite envoyer mes sympathies les plus sincères.
Je vous offre mes sympathies pour le deuil de l’enfant sain que vous attendiez. Je vous offre mes sympathies pour le deuil de la personne et du couple que vous étiez avant cet enfant. Je vous offre mes sympathies pour le deuil qui vient avec le renoncement, pour le deuil qui vient avec la séparation et le constat de l’échec. Je suis triste que vous n’ayez pas eu le soutien nécessaire, que vous n’ayez pas été entendus ni compris. Je suis triste que nous n’ayons pas réussi à vous aider suffisamment.
Je suis triste que vous deviez porter seuls la honte et la déception du aux limites et conditions que nous établissons collectivement. Si je pouvais enlever la honte, la rage et l’impuissance sur vos épaules… je le ferais car il n’y a jamais un seul coupable dans de tels drames humains. Je vous tends la main, je comprends votre rage, votre impuissance, votre douleur, votre déception, votre honte, vos deuils. Je comprends…
Du même auteur « Un monde parallèle«
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