Une lettre de parents sur l’arrêt de la double prise en charge CPAM/CAMSP

Une lettre de parents sur l’arrêt de la double prise en charge CPAM/CAMSP
10.06.2014 Réflexion sur Temps de lecture : 6 min

Confrontés au problème de la « double prise en charge » des soins par la CPAM et par les établissements médico-sociaux (dont les CAMSP), un groupe de parents d’enfants suivis au CAMSP de Décines (Rhône) a écrit un courrier afin de demander à ce que la possibilité de cumuler le forfait soins du CAMSP avec les actes libéraux soit maintenu. Voici ce que ces parents expliquent dans cette lettre…

Lettre de parents d’enfants suivis au CAMSP de Décines

Objet : Arrêt de la double prise en charge CPAM/CAMSP

Le Centre d’Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP) de Décines bénéficie depuis sa création de soins libéraux en complément des suivis réalisés au sein de la structure. Ces soins libéraux étaient jusqu’à présent financés par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) pour l’orthophonie et la kinésithérapie. La psychomotricité et l’ergothérapie, non remboursées par l’Assurance Maladie, étaient impactés sur le budget du CAMSP lequel pouvait ainsi rémunérer ces professionnels via une convention. Cette souplesse de prise en charge interne au CAMSP et externe au CAMSP permettait d’adapter et d’ajuster les soins au plus près des besoins des enfants suivis.

En raison des contraintes budgétaires pesant sur l’Assurance Maladie, la double prise en charge des soins par la CPAM et par les établissements médico-sociaux (dont les CAMSP) ne peut plus à présent se poursuivre pour les enfants en situation de handicap.
La CPAM demande aux établissements de financer eux-mêmes les intervenants libéraux en orthophonie et kinésithérapie si ces soins doivent se poursuivre. La dotation globale du CAMPS ne le permet pas. Pas plus que le CAMSP n’a pas les moyens budgétaires et humains d’effectuer dans ses locaux toutes les rééducations nécessaires aux enfants. Il ne pourra reprendre au centre qu’un nombre très limité de ces séances, pour quelques enfants seulement.

En d’autres termes, il s’agit purement et simplement d’une demande de la CPAM de stopper les soins assurés auprès de ces enfants (près de 30 enfants seraient concernés au CAMSP de Décines).
Interrompre des rééducations en cours revient à casser le lien thérapeutique en place avec les intervenants libéraux, à limiter l’évolution de ces enfants vers un accès à la scolarité pour certains et dans tous les cas vers plus d’autonomie. Ceci contredit leurs droits les plus fondamentaux, rappelés dans les dernières lois sur le Handicap.

Une bonne prise en charge de ces enfants de moins de 6 ans nécessite un projet de soins coordonné. Ces soins doivent être assurés le plus tôt possible et sont véritablement indispensables pour les conduire à plus d’autonomie et éviter l’apparition d’un sur-handicap. C’est la mission du CAMSP, aussi avons-nous fait le choix d’y inscrire nos enfants.

Les listes d’attente importantes que doivent gérer les services médico-sociaux conduisent les parents à faire appel en premier lieu à des professionnels libéraux car la prise en charge précoce constitue un atout majeur dans le bon développement des enfants. La complémentarité des soins réalisés en libéral avec des rééducations au sein du CAMSP permet d’assurer une réelle coordination des soins absolument bénéfique pour les enfants suivis.
Cependant, devant la décision de la CPAM, il est envisageable que certains parents puissent interrompre le suivi de leur enfant au CAMSP pour poursuivre des soins de proximité en libéral, renonçant ainsi à toute coordination des soins de leur enfant ainsi qu’au suivi proposé au CAMSP pour faciliter l’insertion des enfants en collectivité (grâce à l’appui d’une éducatrice) ou aider les familles au quotidien (guidance parentale ou groupe fratrie avec une psychologue, appui dans les nombreuses démarches administratives avec l ‘assistante sociale…).

Les enfants suivis au CAMSP vivent avec leurs parents et non en institution (ils ne vont au CAMSP que pour le temps de la rééducation). S’ils relèvent d’une prise en charge médico-sociale dans ce centre, ils n’en sont pas moins le reste du temps dans la Cité et nécessitent comme tout autre enfant, des soins de proximité. Ce sont des enfants en situation de handicap de moins de 6 ans, parfois des nourrissons. Pour certains d’entre eux, les déplacements plus nombreux (3 à 4 par semaine jusqu’à 1h de leur domicile), rendus nécessaires par davantage de rééducation au CAMSP ne sont pas envisageables médicalement.

Le temps parental nécessaire à l’accompagnement des enfants au centre n’est pas extensible à l’infini. Les équilibres professionnels et familiaux déjà compliqués par le handicap s’en trouvent très souvent mis en péril. Certains parents doivent réduire ou interrompre leur activité professionnelle, entraînant d’ailleurs la revalorisation des allocations de la CAF (AEEH, AJPP). Les transports pris en charge par la CPAM entre le domicile et le CAMSP est souvent plus coûteux que le montant de la rééducation libérale de proximité.

Cette mesure génératrice d’une économie faible semble devenir inutile au regard des surcoûts immédiats générés dans les branches maladie et famille de la Sécurité Sociale. Et qu’en sera-t-il du surcoût généré par la prise en charge médico-sociale à moyen et long terme d’un handicap majoré ?

Concernant la possibilité de « prise en charge à titre exceptionnel de certains soins réalisés en libéral et facturés à la CPAM sous certaines conditions »(1) :
« des soins ne pouvant en raison de leur intensité ou de leur technicité être assurés par [le CAMSP]  de façon suffisamment complète ou suffisamment régulière», les conditions de réalisation de cette prise en charge sont si imprécises qu’elle peuvent permettre toute interprétation. Les réponses des médecins conseils auxquels sont soumises ces demandes semblent d’ailleurs aller dans le sens d’un refus fréquent, survenant après plusieurs mois.

En conclusion, les familles se trouvent aujourd’hui face à un choix cornélien et insoluble pour assurer le suivi médical de leur enfant en situation de handicap :
– soit leur enfant conserve une prise en charge en libéral, renonçant ainsi aux divers avantages du CAMSP (suivi et coordination des soins, psychomotricité, suivi psychologique, aide à l’insertion en collectivité, appui administratif…).
– Soit leur enfant maintient l’intégralité de son suivi médical au CAMSP, mais il ne pourra pas bénéficier de l’ensemble des soins dont il aurait besoin, compte tenu du nombre de séances limitées en kinésithérapie et orthophonie délivrées au CAMSP.

Pour toutes ces raisons, nous, parents d’enfants suivis au CAMSP de Décines, demandons que soit maintenue la possibilité de cumuler le forfait soins du CAMSP avec les actes libéraux, comme cela était l’usage jusqu’à présent.
(1) : article R314-122 (code de l’action social et des familles)

Retour aux articles de la rubrique « Droits, législation »

Mots-clés :

Aller au contenu principal