Naissance d’une deuxième vie

Naissance d’une deuxième vie
07.05.2021 Témoignages Temps de lecture : 6 min

On attendu la naissance de notre bonhomme pour savoir ce que cette nature joueuse nous préparait… A sa naissance nous apprendrons que ses chromosomes sont différents de ceux de la plupart des autres humains. Trois ans plus tard, je me suis réconciliée avec la nature et peut-être même les statistiques.

Je suis maman de deux enfants. A la naissance de Léon, nous avons appris que ses chromosomes étaient différents de ceux de la plupart des autres humains, et que les conséquences étaient incertaines.

Ma fille est née au mois d’octobre 2015. Mon mari et moi avons éprouvé le plus grand bonheur à l’accueillir parmi nous. J’ai aimé la porter, l’allaiter, l’accompagner jour après jour et être l’heureuse témoin de ses premiers sourires, premiers rire, premiers mots. Souvent je me suis dit qu’il était quand même fou, en plus d’être née dans une famille incroyable de gentillesse et d’amour et d’avoir trouvé un homme avec qui je me voyais construire une vie à deux dans la confiance la plus totale, que le bonheur de voir cette petite fille grandir me soit octroyé. Alors au bout de deux ans, il nous a paru naturel d’essayer de créer et accompagner un autre petit miracle.

Comme beaucoup de femmes, j’ai fait l’expérience d’une fausse couche précoce, c’est-à-dire avant d’avoir entendu le cœur du bébé que je portais. J’ai alors pensé que ce bébé n’était simplement pas voué à naitre, et que la nature avait sûrement une très bonne raison pour cela. Quelques mois plus tard j’étais de nouveau enceinte. Quand le premier trimestre s’est terminé, j’étais rassurée ; si la nature nous avait laissé arriver jusque là c’est que mon petit bébé devait être en forme. La première écho n’a rien montré de problématique, comme on l’espère et comme on s’y attend. Je ne me rappelle plus bien des détails, mais je me souviens de la première mauvaise nouvelle, la première fois qu’un doc m’a regardé, gentiment, pour m‘expliquer que bon, il n’y avait rien de trop grave mais que quelques petites choses clochaient chez le fœtus.

Les statistiques étaient encore de notre côté

Il a fallu encaisser le coup mais à ce moment-là les statistiques étaient encore de notre côté, alors à quoi bon s’inquiéter outre mesure, tout le monde nous le répétait, et on y croyait. Après ce rendez-vous là, il y en a eu d’autres. Vers le septième mois de grossesse, on nous a donné 80% de chances de mettre au monde un enfant sans problème particulier. Les statistiques étaient toujours de notre côté, et après tout, ça faisait un verre bien plus plein que vide.

On a demandé au doc « si on pouvait se détendre », il nous a dit que oui. Alors on s’est détendu. Et on a attendu la naissance de notre bonhomme pour savoir ce que cette nature joueuse nous préparait. C’est une sensation étrange de porter votre enfant, à l’intérieur de vous, et d’être absolument incapable de sentir, de savoir, s’il va bien ou non. Je ferai de nouveau cet expérience deux années plus tard, en portant mon troisième enfant, pendant 4 longs mois, en attente d’un diagnostic anténatal, qui aboutiront à une interruption médicale de grossesse.

Notre fils est né en 2018, un soir de Juillet, pile à l’heure, quelques heures après des feux d’artifices comme on en voit peu.

A leur image, il est né vite, comme une explosion, pas le temps pour une anesthésie, j’ai crié beaucoup, lui pas du tout. Deux heures de bruit intense ont fait place à un grand silence. Pourtant c’était la vie qui venait d’éclore mais c’est un silence de mort qu’on entendait, mon mari et moi, au milieu de tous ces professionnels tellement inquiets qu’ils en restaient presque muets. Ce que je n’étais pas assez lucide pour voir à ce moment-là, c’est que mon fils étant totalement hypotonique. Nous apprendrions 5 jours plus tard que ses chromosomes étaient différents de ceux de la plupart des autres humains, et que les conséquences de cela étaient incertaines. Les statistiques n’étaient plus vraiment de notre côté.

Les statistiques n’étaient plus vraiment de notre côté.

Contrairement à beaucoup de familles, on a eu la chance d’avoir un diagnostic très tôt dans la vie de Léon. Je me rappelle de beaucoup de pleurs, l’impression d’un trou béant dans mon ventre, la difficulté de dire les mots, l’envie folle de tout effacer.

J’ai réalisé après coup qu’il m’a fallu deux ou trois jours pour oser demander aux docs s’il y avait un problème. La naissance de mon fils et la semaine qui a suivi n’ont eu aucun sens. J’ai pensé que la nature m’avait trahie de la plus mesquine des manières. Je venais de perdre le fils que je pensais porter, et je devais m’occuper d’un autre fils, dont je venais de découvrir l’existence, un fils avec qui je ne pourrai peut-être jamais échanger ni de mot, ni de sourire, que je ne pouvais pas allaiter, à qui je ne pourrai peut-être jamais apprendre à marcher, lire, être indépendant et faire ses choix. Je n’étais plus sûre de vouloir ou pouvoir aimer mon enfant dans ces conditions, ce n’est pas le contrat que j’avais signé 9 mois plus tôt. Et pourtant si, bien sûr, c’est le contrat de parent. On est rentrés à la maison au bout d’une semaine, et la deuxième partie de notre vie a commencé.

Léon a bientôt trois ans.

Lui et sa sœur sont les deux petites choses les plus précieuses que nous avons. Au-delà des silences pesants, des phrases maladroites, des combats administratifs, on retient toutes les personnes qui nous aident à faire du quotidien de Léon et de sa sœur un quotidien heureux. Depuis quelques mois Léon sourit, parfois même rit, comme un incroyable cadeau qui nous fait en général tous accourir. On est probablement bien plus fatigués mais aussi bien plus forts que trois ans en arrière. Si je devais choisir, je referais tout de la même manière, je ne prendrais pas le risque de perdre ce que l’on a. Les questionnements existentiels obscures se font plus rares (merci psychothérapie) et je me suis réconciliée avec la nature et peut-être même les statistiques. En tout cas on va de nouveau lancer les dés, avec une FIV-DPI cette fois, en espérant pouvoir accueillir une troisième merveille à la maison un jour prochain.

deux enfants se prenant dans les bras
Merci à notre famille pour leur amour et leur soutien inconditionnel.
Merci aux professionnel.le.s pour leur engagement, leur soutien et leur empathie.
Merci mère nature pour ce que tu as rendu possible.
Merci musique d’être une alliée sans faille.
Merci ma fille et merci mon fils d’exister, et merci de nous avoir choisi comme parents.
Merci mon mari de m’avoir choisi comme femme et d’être ce père incroyable.

 

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