Fonction, attente et absence d’un diagnostic

Fonction, attente et absence d’un diagnostic
08.12.2008 Réflexion sur Temps de lecture : 4 min

Je vous propose un texte polyphonique dans lequel je m’autoriserai à donner voix aux parents, à l’enfant, aux professionnels, à ceux que j’entends dans ma vie de psy ou en privé.

Ce texte est extrait du séminaire organisé par la Fondation Lou en mars 2008.

Je vous propose un texte polyphonique dans lequel je m’autoriserai à donner voix aux parents, à l’enfant, aux professionnels, à ceux que j’entends dans ma vie de psy ou en privé.

Je veux savoir
J’ai rêvé d’un enfant…
Je n’ai pas pensé à la couleur de ses cheveux,
Je n’ai pas imaginé la forme de son visage…
mais je l’ai vu dans mes bras, il me souriait, déjà je le promenais dans son landau, les voisins s’arrêtaient et me félicitaient.
Le rêve est devenu cauchemar.
«Il y a un problème, nous a-t-on dit». Très vite, ils l’ont emmené nous laissant avec notre angoisse.

Le temps de la délivrance est révolu, mort le temps de l’allégresse.
Temps suspendu de l’attente, qui sait ? Silence.
Vouloir savoir… que nous cache-t-on ? Vérité où es-tu ?
Y a-t-il seulement une vérité ?

C’est alors la course aux spécialistes, être envoyé ou peut-être renvoyé à un collègue mieux informé sur cette maladie, faire un petit tour chez le généticien.

Tu vois, c’est dans ta famille, j’aurais dû m’en douter», conflits qui rendent fous, culpabilité d’avoir donné naissance à un enfant étrange, si différent de celui qui était attendu.
Savoir qui tu es, enfant étranger à mes attentes, enfant que je ne reconnais pas vraiment comme si la buée obscurcissait mon regard.
Dites-moi qui est cet enfant ? Ou plutôt, de quoi souffre-t-il ?
La science est sommée de répondre, de mettre une étiquette sur ce front lisse alors que celui de ses parents se prend des rides inconnues jusqu’alors.
parfois mêlé à du «je ne veux pas savoir».
On entend régulièrement des parents dirent : «c’est la première fois qu’on me parle du handicap de mon enfant, on me l’a caché jusqu’à présent.

Les professionnels disent :

nous ne savons comment faire, nous avons dit aux parents que l’enfant présentait des difficultés, mais ils ne veulent rien entendre, ils disent que tout va bien, ils ne nous écoutent pas

Un diagnostic porteur d’une telle différence, voire d’une sorte de malédiction, est inaudible, personne n’est prêt à l’entendre. Il faudra parfois des années pour laisser entrer dans sa tête, dans son cœur ces mots qui bouleversent ou même détruisent une vie; la confrontation avec d’autres enfants à la crèche ou durant la scolarité servira parfois de déclencheurs oh combien douloureux…

Le professionnel court le risque soit de se taire, soit d’asséner cette vérité scientifique pour être entendu. Mais le temps psychique n’a rien à voir avec le temps réel. L’annonce d’un diagnostic en termes de déficiences, annonce qui va peut-être enfermer l’enfant et sa famille, demande du temps, de la patience, demande de tenir compte du vécu souvent très différent entre le père et la mère.

Parfois le professionnel se vivra harcelé par la demande des parents.

Comment vous n’avez pas encore les résultats ?
Alors, vous avez pu atteindre le professeur Untel ?

Ce questionnement est bien sûr légitime, il s’accompagne souvent de l’idée que le médecin ne prend pas assez leur inquiétude en compte, qu’ils sont oubliés dans la masse de travail du professionnel.
Ce type de questionnement est parfois mal reçu par le professionnel aux prises lui-même avec son impuissance. Le professionnel aura souvent bien besoin de l’équipe autour de lui pour le soutenir dans ses lourdes responsabilités et acquérir la meilleure formation possible tant sur le plan humain que sur le plan scientifique. En effet, les mots peuvent faire des ravages. Les professionnels ont la responsabilité de leur dire (leur propos) à la fois quant au contenu et à la fois quant à la façon de le dire.

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