Dans le tourbillon d’une vie peu ordinaire

Dans le tourbillon d’une vie peu ordinaire
03.01.2020 Témoignages Temps de lecture : 5 min

On aurait dû jouer au loto, on aurait remporté le gros lot !
Statistiquement, on a l’air plutôt pas mal pour décrocher des choses rarissimes

Si j’ai pas la berlue, y’en a deux ! Voilà les mots qui ont sonné le début d’une aventure aussi inattendue qu’attendue, aussi merveilleuse qu’exaspérante, aussi épuisante que vivifiante. L’annonce de la grossesse gémellaire représentait déjà un véritable challenge.
Mais si j’avais su…

Si j’avais su qu’après l’annonce de la gémellité et cette grossesse si compliquée nous allions nous confronter à la grande prématurité.
Si j’avais su qu’après leurs deux premiers mois d’existence à l’hôpital à combattre pour la vie, ils allaient souffrir de sévères troubles intestinaux.
Si j’avais su qu’en plus des problèmes de ventre, ces deux bouts de choux ne dormiraient presque jamais, crieraient sans cesse, manifesteraient petit à petit des retards de développement et des particularités bien à eux.
Et enfin, si j’avais su qu’on nous annoncerait qu’ils sont porteurs d’une maladie rare d’origine génétique.

On aurait dû jouer au loto, on aurait remporté le gros lot ! Statistiquement, on a l’air plutôt pas mal pour décrocher des choses rarissimes.

Le chemin a été long, quatre longues années pour enfin relever la tête hors de l’eau. Je regarde derrière et je suis si fière de tout ce chemin parcouru, de la force intérieure qui m’a animée pour tenir bon, de cet amour si fort qui me lie envers eux, de la patience que je me suis découverte et de la belle équipe que nous formons avec leur Papa.

Mais ce qui me porte vers le haut, c’est bien eux. Malgré leur vie déjà si peu ordinaire de difficultés, Elias et Samuel sont deux boules de vie incroyables. Ils nous rappellent tous les jours à quel point la vie est certes fragile, mais précieuse, merveilleuse et drôle. Leur rage de vie est contagieuse, leur différence est pétillante !

Nous ne savons pas de quoi demain sera fait, nous ne pouvons plus nous projeter, mais nous savons maintenant que nous tenons la route. Soyons clair, le quotidien est difficile. Il est étouffé par les prises en charge, les gestions de crises, les salles d’attente, les rendez-vous médicaux entre quelques heures d’école par-ci par-là. Ils ont 4 ans et un emploi du temps de ministre qui laisse peu de places aux loisirs, à la spontanéité.

Tout est chronométré, organisé et ritualisé.

Et pourtant. Ils souffrent sans cesse du ventre, mais préfèrent danser au bruit du vent.
Ils parlent très mal, mais répètent sans cesse si bien le mot content.
Ils se fatiguent trop vite à marcher, mais ne cessent jamais de chanter en poussette.

Qu’on ne me dise pas encore que c’est pas si mal, qu’ils sont si mignons et qu’ils évoluent juste à leur rythme. Non, ils ne sont pas flemmards, bien au contraire, ils se battent chaque jour pour évoluer avec une force incroyable. Oui, ils sont très beaux mais cela n’enlève rien aux difficultés auxquelles ils font / nous faisons face.
Comment digérer ces rencontres devant la généticienne à parler génome et chromosome, pendant que nous aurions pu être en train de jouer au ballon avec les enfants ?

Dans cette traversée de montagnes russes, nous avons été bien seuls. Nous ne cherchions pas de la pitié, mais bien de l’écoute et des épaules pour poser un peu les maux/mots. Une main tendue pour rire un peu, changer d’ambiance et nous sentir encore dans une vie normale.
Je n’ai plus de travail, j’ai perdu quatre années de sommeil, ma vie sociale a pris un sacré coup, je suis devenue orthophoniste, psychomot, infirmière, secrétaire, taxi, j’ai beaucoup pleuré, j’ai passé des nuits entières sur google à – essayer de – comprendre la génétique, j’ai cru mourir d’épuisement.

Mais ma vie à étonnement pris un sens. Et aujourd’hui, je voudrais en témoigner.

Je voudrais dire aux familles concernées que je les admire, qu’elles sont fortes et qu’elles ne sont pas seules.

Je voudrais dire aux médecins que nous ne sommes pas de simples dossiers. Qu’il y a des êtres humains avec des attentes, des questions, des émotions là-derrière.

Je voudrais dire à notre entourage que vous m’avez bien déçue. Que je ne suis pas arrivée à vous dire à quel point nous avons besoin de votre soutien. Que vous n’avez pas compris.

Je voudrais dire tout mon amour pour mes garçons extra-ordinaires. Et mon émerveillement pour tous les enfants extra-ordinaires.

Je voudrais dire que même si je regarde parfois jalousement la vie ordinaire des autres, je n’échangerai la mienne pour rien au monde.

Je voudrais crier haut et fort que je me sens fière, forte et heureuse mais que je suis si fatiguée.

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