Combats et Batailles
05.09.2018 Témoignages Temps de lecture : 5 min

Voici de ces combats qui nous a fallu et qu’il nous faut continuer de mener, tous les deux, depuis que notre petite fille, si particulière, a rejoint la famille.

Il est des batailles dont l’on n’entrevoit pas l’issue.
Qu’y a-t-il à gagner, à perdre ? Quel est l’enjeu ?
Où est l’ennemi ?

Quelles sont les armes, les règles du combat ?
Serait-ce un duel ?
Ou plutôt une guerre… D’autres alors, amis, combattraient à nos côtés ?

J’ai un mari boxeur, il s’y connaît en combats.
Moi je n’aime pas la violence je ne supporte même pas de la voir en images et je ferme les yeux devant les films…
Mais j’ai pas d’autre choix que de livrer bataille, quand même.

Voici de ces combats qui nous a fallu et qu’il nous faut continuer de mener, tous les deux, depuis que notre petite fille, si particulière, a rejoint la famille.

D’abord, au tout début, contre l’angoisse, immense, l’horrible intuition que quelque chose n’ira pas, ira mal.

Ensuite, contre la chute, l’immense tristesse lorsque l’on comprend que rien ne sera comme avant et qu’on n’y pourra rien changer. Contre la colère, aussi, de n’avoir d’autre issue valable que de l’accepter…

Puis contre le vide, ces longues heures de face à face avec ma petite fille de quelques mois qui me regarde trop peu et qui semble n’avoir besoin de personne.

Contre le sentiment qu’elle m’emmène avec elle dans les paysages Inconnus où l’on ne distingue plus bien les limites de l’être. C’est que, plus petite, elle pouvait rester sans rien faire, de très longs moments qui semblaient infinis, si l’on n’y mettait pas fin.

Et encore, contre le besoin de connaître, de comprendre, d’avoir des réponses un « Diagnostic »… qui ne vient pas. Nous en avons si peu, des réponses. Alors il nous faut lâcher prise, retrouver l’instant présent, et la vie à courte échéance.

Revoir nos objectifs…

Contre la violence de certaines scènes et images, comme cette nuit de cauchemar où nous avons retrouvé notre petite fille, âgée de 1 an, dans son sang, s’étant mordu la langue très violemment à plusieurs reprises. Plus elle avait, mal plus elle se mordait…

Mais aussi contre le moral qui flanche, si souvent, au gré des tempêtes de Valentine, imprévisibles, et de sa « souffrance-douleur ». C’est alors le sentiment d’impuissance, de solitude, qui nous gagne quand notre enfant souffre et que nous ne pouvons rien pour la soulager.

Contre Valentine, en personne, depuis qu’elle est bien là, bien décidée à occuper le terrain et en prendre part au combat. C’est qu’elle a du caractère, comme nous tous dans la famille, comme ses frère et sœur ! Mais elle a aussi une énorme force et une volonté de protester toutes griffes dehors, à la moindre frustration ou contrariété.

Alors parfois je n’en peux plus de me battre contre elle, de sa violence de son agressivité, de son incapacité à se contrôler. Il faut supporter la douleur, la colère d’être agressés, griffés, mordus.

Il y a aussi la lutte contre le sentiment de culpabilité de devoir entraîner nos deux plus grands enfants dans nos combats, de leur infliger des scènes violentes et angoissantes, de ne pouvoir suffisamment les protéger dans les moments où Valentine nous accapare et lorsqu’elle les agresse, de n’être pour eux, tant de fois, que des parents si fatigués, de ne pouvoir leur épargner cette désolation de réaliser que le temps passe et que leur sœur est un « bébé » qui ne parle pas et ne marche pas…

maman et sa fille

 

 

 

Se battre encore contre le sentiment d’incompétence, d’échec…
Quand Valentine me rejette avec tant de fougue, suis-je encore sa mère ?

Et puis le combat contre les soignants, les médecins, qui voulant bien faire en font souvent trop ou pas assez… et qui ont finalement peu de réponses.
Ils sont là et c’est déjà beaucoup.
Se battre aussi pour se faire entendre.

Et contre les paroles qui questionnent sur ses progrès au lieu simplement de demander : « Comment va-t-elle ? » Depuis longtemps, nous, on veut juste qu'elle soit bien !

Nous nous affrontons, l’un contre l’autre aussi, avec Christophe, mon mari, parfois, souvent. Nous nous battrons pour continuer à nous aimer, nous entendre, nous écouter et nous parler.
C’est si tentant de se fermer et d’accuser l’autre quand on est démuni. Mais nous avons tellement besoin l’un de l’autre !
Où tout cela va-t-il nous mener ? Notre couple y résistera-t-il ?
Notre famille ? Et l’Avenir ?
J’ai du courage et un mari qui en plus d’être boxeur, est danseur… alors !

Nous savons aussi nous battre pour que la vie reste belle, au moins par moments, que la joie demeure, dans notre maison, que Valentine soit bien et sente notre amour, pour nous faire une juste place, à chacun.
Non, Valentine ne prendra pas toute la place dans notre famille !

Nous voulons continuer à rêver, désirer, travailler, danser, chanter, être légers, idiots, rire, fumer et boire (un peu), voir nos amis et nous sentir libres…

Et aussi ne pas être, sans cesse, dans le combat mais connaître l’apaisement et la confiance.

Ce n’est pas Valentine notre combat,
c’est bien toute notre famille et notre vie !

couverture du livre la petite fille qui s'attarde
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