1 chance sur 666
30.03.2021 Témoignages Temps de lecture : 7 min

Entretien avec Vanessa Arcos, auteure du livre « livre « 1 chance sur 666 » et maman de Valentine

Ce livre est une bouffée d’amour, de vie, de réflexions que l’auteure sait si bien faire partager à ceux qui la suivront dans toutes les directions qu’elle emprunte. Une confrontation à la différence pour un chemin vers la résilience.

Pourquoi avoir voulu écrire ce livre « 1 chance sur 666 » ?  Comment vous est venue l’envie d’écrire ?

Ce livre est l’aboutissement de ma réflexion et de mes questionnements commencés il y a 11 ans à la naissance de ma fille. En effet, Valentine est née telle que je ne l’attendais pas, ce fut la plus grande surprise de ma vie. Elle est née porteuse de trisomie 21, je n’étais pas préparée à vivre cela. Le handicap demeurait pour moi une dimension étrangère et inconnue.
Écrire est une transmission.

Avec ce livre, j’ai voulu proposer un témoignage mais surtout transmettre une expérience, un point de vue sur le monde, quelque chose de beaucoup plus profond. J’ai voulu faire réfléchir le lecteur pour montrer que le handicap  n’est pas une sphère située en dehors du monde réel. Il est là parmi nous, tout le temps et partout. Tout le monde peut connaître le handicap dans sa vie.

80 % des handicaps ne sont pas présents à la naissance. Il faut donc regarder cette fragilité dans les yeux. Les personnes handicapées ne sont pas des extraterrestres qui viennent d’une autre planète. Nous sommes tous humains donc tous fragiles.

Pouvez-vous nous présenter votre livre en quelques mots ?

C’est un récit qui retrace onze ans de vie aux côtés de ma fille. Il y a deux narrations en parallèle. Je raconte l’évolution de Valentine, de sa naissance jusqu’à son entrée en CM2. Je parle de son développement, de ses progrès et de ses difficultés. En même temps, je fais part de mon évolution spirituelle et intellectuelle durant cette décennie et devant les questions existentielles auxquelles j’ai dû me confronter. Ce sont mes interrogations naturelles devant le choc de la naissance de Valentine, mes doutes, mes peurs et mes espoirs. Dans mon récit, il y a aussi au-delà de notre simple histoire, toute une dimension universelle et humaniste. Les questionnements qui sont les miens renvoient en réalité sur le sens de la vie et la place de l’Autre au sens philosophique. Des questions très actuelles !

1 chance sur 666 c’était votre probabilité d’avoir un enfant avec une trisomie, vouliez-vous faire passer un message à travers ce titre ?

En effet, tout est dans le titre. La naissance de ma fille était au départ une probabilité, une statistique incroyable. Pourtant c’est arrivé. Ce qui aurait pu être un drame a été le point de départ d’une nouvelle vie, riche de sens. J’ai rencontré l’extraordinaire et l’amour inconditionnel. En cela, le mot chance prend tout son sens. La naissance de ma fille a été une réelle chance. Le handicap ne se résume pas au malheur, à la tristesse, à la contrainte ou à l’empêchement. Il peut être le terreau de l’amour, de la connaissance de soi, de l’empathie, de la fraternité et de l’élévation spirituelle. Quoi qu’il puisse arriver dans la vie, on peut toujours essayer d’en extraire le meilleur. C’est toujours à nous de décider. On subit sa vie et on se morfond ou on décide d’agir et de tout faire pour l’amener dans la meilleure direction.

Vous aimez les mots, la philosophie… diriez-vous que l’arrivée de Valentine a nourri cette passion ?

Oui bien sûr. J’ai toujours aimé lire, écrire, jouer avec le verbe. Mais avant, je le faisais pour moi, c’était mon jardin secret. Valentine a donc été l’élément déclencheur pour oser prendre la plume officiellement. J’ai donc eu cette chance que quelqu’un me pousse à oser ! Dans la vie, on ne fait pas toujours ce que l’on veut vraiment. Il y a tellement de barrières, de freins, de croyances. Le handicap vous projette dans l’essentiel, dans l’authenticité. On ne peut plus tricher. Alors, naturellement, j’ai fait ce que j’ai toujours voulu faire : écrire. J’ai enlevé mes propres barrières morales et je me suis lancée. Je me suis sentie dans mon élément et alignée avec moi-même comme jamais auparavant. Je suis même allée au bout de mes envies car aujourd’hui je travaille comme rédactrice éditoriale. J’ai abandonné mon ancienne profession, responsable de recrutement.

De nombreux termes sont utilisés pour parler du handicap « singulier, différent, extraordinaire, besoins spécifiques » avez-vous une préférence ?

Ma préférence va au mot « extraordinaire » car au sens littéral cela signifie qui sort de l’ordinaire, qui est remarquable. Il y a donc une vraie force positive dans ce mot. Quand on est remarquable et qu’on sort des sentiers battus, cela devient même un compliment.

Vous dites « Le handicap n’est pas une hypothèque au bonheur » pouvez-vous nous en dire plus ?

Le handicap n’est pas une hypothèque au bonheur, c’est au contraire un accélérateur de conscience. Il déchire le voile du déni, de l’hypocrisie, des fausses croyances, des faux-semblants. Débarrassé de toutes ces choses inutiles dictées par la société, on peut enfin vivre vraiment et être dans l’authenticité.

On a donc une chance d’arriver à être heureux. On se recentre sur l’essentiel et sur ce qui fait l’essence de la vie. On arrête avec le superflu. Les gens ordinaires semblent avoir ce que les personnes handicapées n’ont pas, pourtant ils sont bien loin d’être tous heureux. En réalité, ils ne sont pas libres et cherchent toujours à devenir quelqu’un d’autre ou à courir après des choses dont ils n’ont pas besoin. Le discours de notre société est précisément axé là-dessus. La société nous parle toute la journée de normes, de canons de beauté, de diktats. « Il faut » et « tu dois » sont les maîtres-mots, on les entend en permanence et c’est insupportable.

Vous semblez avoir longtemps hésité à faire garder votre fille en crèche, pouvez-vous expliquer vos craintes et vos attentes ?

Valentine est allée en crèche dès l’âge de 2 ans, avant de rentrer en maternelle. Nous voulions la préparer pour anticiper la socialisation et la vie en communauté. Nous n’avons pas vraiment hésité mais il est toujours difficile de se projeter avec un enfant différent et nous ne voulions pas nous tromper. Nous voulions être sûrs que notre choix était le bon et qu’il y avait de vraies perspectives et de vrais gains personnels pour Valentine. Nous ne voulions pas l’inscrire dans la norme coûte que coûte. Tous les parents se posent des questions avant de confier leur enfant pour la première fois à quelqu’un d’autre. Quand on a un enfant extraordinaire, les ressentis, les questions et les doutes sont encore plus forts.

Quels sont vos souhaits d’avenir pour votre fille ? pour la société de demain ?

Que ma fille soit le plus autonome possible et qu’elle soit heureuse tout simplement.

J’aimerais que la société de demain soit plus inclusive et que cela ne soit pas du slogan mais une réalité. La société sera sur la bonne voie quand tous les enfants différents seront acceptés en crèche et à l’école. Cette mixité ne doit plus être à géométrie variable. Il y a une vraie inégalité de traitement selon la pathologie, le lieu d’habitation ou les crédits accordés aux différentes structures. On ajoute donc sans cesse de la différence dans la différence et de l’injustice à l’injustice. Pour la société de demain, je rêve d’une vraie égalité.

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