Aider son enfant à communiquer : 10 ans après

Aider son enfant à communiquer : 10 ans après
01.10.2024 Témoignages Temps de lecture : 6 min

10 ans déjà depuis mon témoignage ! Nicolas a aujourd’hui 25 ans, il restera notre éternel mi- Peter Pan, mi-Professeur Tournesol qui comprend tout de travers, sa dysphasie réceptive reste importante.

Où en serait mon fils si je n’avais jamais rencontré de professionnels formés à la Communication Alternative Améliorée (CAA), si je ne m’étais jamais formée au MAKATON ? Aurions-nous pu détecter lorsqu’il est tombé gravement malade en fin d’adolescence qu’il souffrait de comorbidité et que des Tocs mentaux l’envahissaient en plus de son autisme ? Aurions-nous pu l’aider à traverser ce tsunami qui a anéanti notre vie pendant 3 ans s’il n’avait jamais accédé au langage ? Quelle aurait été sa vie aujourd’hui ?

Il ne parlera jamais comme vous et moi, ce dont il se rend parfaitement compte (il peste souvent contre son cerveau…) mais cela ne me fait plus souffrir : il parle, avec certes un manque de mots important, une conjugaison douteuse, des genres pas toujours respectés, des phrases bancales mais les gens le comprennent et c’est là, l’essentiel. Il est en capacité de raconter ce qu’il a fait, de décrire ce qu’il a vu, de dénoncer des faits, d’exprimer ses émotions, de dire ce qu’il ressent corporellement, de faire un choix, de décrire ses peurs, ses cauchemars, de demander de l’aide y compris par téléphone/SMS et de dire qu’il n’a pas compris ou qu’il est perdu. Il ne sera jamais en capacité de lire un roman mais il a acquis une bonne culture générale grâce à des supports adaptés, aux BD, au cinéma ce qui l’aide à mieux comprendre et accepter le monde qui l’entoure.

Rien n’est venu naturellement : il progresse toujours en isolant des mots, en rabâchant sans cesse, en passant par des spots publicitaires, des chansons, des bandes annonces qu’il tourne en boucle, par la lecture de BD. Des mots repartent et d’autres arrivent, les adultes progressent aussi à tout âge si on continue à les stimuler.

Il est de plus en plus dans la communication, essaie d’engager une conversation même s’il s’aperçoit avec beaucoup de déception que les neurotypiques ne s’intéressent guère à lui, à ses centres d’intérêt et restent très égoïstes, enfermés entre eux dans leurs conversations.

Avec un parcours scolaire en Ulis, Nicolas ne connaissait que l’inclusion où les personnes peuvent s’adapter à sa compréhension en simplifiant leur langage. Il était inconcevable pour lui qu’à l’âge adulte, on lui demande tout à coup de ne plus faire partie de cette société. Des entreprises et des patrons nous ont tendu la main mais tant de portes se sont fermées lors de sa recherche d’emploi  malgré une multitude de stages, de formations, d’essais en ESAT. C’est finalement McDonald’s qui a accepté de lui donner sa chance. Il est en CDI depuis 1 an à temps partiel, a enfin son « ticket d’or », comme il dit, motivé par l’argent et par son idole, Bob l’éponge, expert en hamburgers J. Il sait qu’il doit s’adapter au milieu, tout comme ses collègues s’adaptent à lui. Beaucoup de plonge, de ménage mais il fait aussi le service à table ce qui peut le mettre en difficulté car il ne comprend pas toujours les clients. Mais en cas de souci, il leur explique qu’il est autiste, va chercher un collègue et les gens réagissent le plus souvent positivement en s’apercevant à sa manière de répondre qu’il a « ce p’tit truc en plus »… Je ne sais pas combien de temps sa motivation tiendra mais il faut savoir apprécier les moments de stabilité…

Avec un planning avec horaires détaillés ainsi que des outils adaptés, il parvient à être autonome dans la plupart de ses gestes quotidiens (depuis le début de cette année, il crée même ses propres pictogrammes, les miens ne lui conviennent plus ! J). Il ne pourra jamais vivre seul mais il doit apprendre à dépendre le moins possible de nous. Il poursuit ses activités ludiques : il a commencé le violon et après 15 ans de gym adaptée, parvient à suivre des cours de gym tonic.

Il peut toujours s’enflammer rapidement mais si nous faisons attention à la surcharge sensorielle, si nous respectons des moments de pause quotidienne (dont la sieste), il prend davantage sur lui et la vie familiale est plus facile. Il n’a aujourd’hui plus de suivi, l’accompagnement adapté des adultes reste si compliqué, voire inexistant pour les personnes autistes avec déficience intellectuelle en milieu ordinaire, comme si leur place ne se trouvait qu’en milieu protégé. Il est soit « trop », soit « pas assez »… L’avenir reste préoccupant, des solutions d’accueil devraient être créées dans chaque commune pour leur permettre de conserver un lien familial et ne pas les déraciner : l’inclusion n’est pas qu’une affaire d’enfants.

La période MAKATON est derrière nous : Nicolas ne signe plus, il ne lui reste que quelques signes qu’il utilise quand on ne peut pas parler à voix haute ou lorsqu’il remercie quand il traverse au passage piéton devant des automobilistes perplexes… A défaut d’orthophonie, Nicolas fait du chant en école de musique et nous faisons souvent un couplet en chant signé en clin d’œil au MAKATON et en soutien aux personnes non verbales. Il lui faut 4 mois pour apprendre une chanson mais se produire devant un public lui apporte tellement de fierté, de confiance en lui et de vocabulaire (…) !

Je suis certaine que nous n’en serions pas là sans la CAA qui lui a permis à 4 ans et demi de devenir oralisant grâce au PECS puis communiquant avec le MAKATON. Ce que j’ai pu apprendre il y a 20 ans me sert encore énormément dans ma vie de tous les jours. A tous les parents et professionnels qui hésitent à franchir le pas : ne laissez pas un enfant sans communication sans avoir au moins essayé. Sélectionnez des professionnels bien formés pour vous accompagner, rapprochez-vous des associations. Les parents ont un rôle indispensable à jouer dans le développement de la communication. Aucune famille n’est à l’abri d’une rupture de parcours, les formations vous permettent de mieux comprendre votre enfant et de le faire progresser : MAKATON, PECS, PODD, DENVER, ABA, TEACCH, sensibilisations gratuites au Centre de Ressources Autisme…

Les témoignages, les échanges, le présentiel, les permanences  vous boostent et permettent de recharger les batteries : formez-vous ! On essaie, on réévalue ses objectifs et sans comparaison, sans chercher la « guérison », on prend tout : chaque petit progrès est à savourer comme une immense victoire.

Une rencontre peut indéniablement changer votre vie… Marielle*, merci !

* Marielle Lachenal

Formatrice MAKATON et auteure

Plus d’informations sur le site des éditions Erès

Article de Marielle Lachenal sur Enfant-différent : « Une traversée en haute mer« 

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