Mais le handicap fait souvent peur et il existe bien des freins à l’accueil de ces enfants. Nombre de questions sont soulevées par les assistantes maternelles lors d’une telle demande d’accueil :
Peut-on accueillir un enfant handicapé sans avoir une formation spécialisée ? Cet enfant particulier ne va-t-il pas me monopoliser au détriment des autres enfants accueillis ? Que vont dire leurs parents ?
Accueillir l’enfant en situation de handicap
Il convient de garder à l’esprit que lorsqu’on parle d’accueil d’un enfant handicapé, il s’agit avant tout d’accueillir un enfant, avec ses particularités. Il n’existe pas d’enfant handicapé « type », pas plus que d’enfant « normal ». Tous ont leurs propres caractéristiques, leurs propres rythmes, leurs propres capacités. Il ne s’agit pas pour autant de nier les particularités de certains enfants, liées à la situation de handicap, mais bien au contraire de les reconnaître et d’en tenir compte pour accompagner l’enfant dans son développement.
Le rôle de l’assistante maternelle auprès de cet enfant un peu différent, comme pour tout enfant accueilli, est de répondre à ses besoins: besoins fondamentaux de sommeil et d’éveil, nourriture, affectifs, de sécurité, de repères et de limites, de socialisation, etc., en respectant son rythme et sa personnalité. (…) Nul besoin de faire de la sur-stimulation sous prétexte que l’enfant est déficient et donc plus lent dans ses acquisitions. Quant aux besoins spécifiques d’autres enfants, qui peuvent être liés à une surveillance médicale ou une stimulation particulière, ils sont de la responsabilité des équipes de professionnels du sanitaire et du médico-social en charge de l’accompagnement de l’enfant et de sa famille (les CAMSP, les CMP, les équipes hospitalières, etc.).
L’accueil d’un enfant en situation de handicap n’est pas obligatoirement synonyme de difficultés supplémentaires (…) Bien sûr, certains handicaps peuvent être plus lourds à gérer au quotidien, certains enfants ont besoin d’appareillage et leur manutention peut sembler délicate, d’autres nécessitent un mode d’alimentation différent (gastrostomie). L’assistante maternelle aura alors souvent à surmonter la peur de « mal faire » et/ou de faire mal à l’enfant…
L’assistante maternelle n’a nul besoin de connaître le dossier médical de l’enfant, juste de connaître ses besoins spécifiques, en particulier concernant la santé et la sécurité (convulsions, troubles de la déglutition, postures…) afin de l’aider à exprimer ses différentes compétences et ne pas mettre l’enfant en situation d’échec.
Et si elle est amenée à collaborer avec des professionnels « spécialisés », elle ne doit en aucun cas se transformer elle-même en thérapeute en essayant de « copier » leurs techniques! Au contraire, en restant dans son rôle d’accueillante, dans sa fonction d’éducation, elle permet à l’enfant d’être avec les autres, dans un milieu ordinaire, de vivre sa vie d’enfant. Le lieu d’accueil (en l’occurrence le domicile de l’assistante maternelle) est aussi un espace de répit pour l’enfant handicapé par rapport à des prises en charge thérapeutiques parfois très lourdes, exigeantes et fatigantes pour lui (orthophonie, kinésithérapie, ergothérapie, etc.)
Accueillir les parents de l’enfant en situation de handicap
Comme pour tout accueil, accueillir un enfant handicapé c’est aussi accueillir ses parents, des parents avec leur vécu particulier, leurs savoirs mais aussi leurs difficultés face au handicap de leur enfant. Certains parents tendent à minimiser les difficultés de leur enfant de peur que l’assistante maternelle ne les « rejette » (sentiment souvent éprouvé devant les refus, parfois répétitifs, d’accueil). D’autres, tout en ayant besoin d’une solution d’accueil, auront du mal à faire confiance à un tiers…
L’assistante maternelle pourra s’appuyer sur les parents pour répondre au mieux aux besoins de l’enfant. (…) Ce qui bien sûr, n’exclut nullement que la professionnelle fasse preuve d’ingéniosité! Elle sera à l’écoute de ces parents qui ont besoin de travailler ou de souffler et qui lui font confiance. Ce qui, comme pour tout accueil, ne signifie pas qu’elle doive devenir leur confident et entrer dans leur sphère privée ou les laisser entrer dans la sienne! Il peut d’ailleurs s’avérer parfois opportun de rappeler en début d’accueil les missions de chacun, celle de l’assistante maternelle se situant au niveau de l’éveil de l’enfant, de sa socialisation; Bref un rôle d’éducation et non de réadaptation ou de thérapie.
Il arrive parfois que la situation de handicap ne se révèle qu’en cours d’accueil. Il s’agit toujours d’une situation difficile à vivre, pour les parents bien sûr, mais aussi pour la professionnelle. (…) . La professionnelle peut alors traverser une période de doutes et de confusion, surtout si les parents semblent ne rien remarquer. (…) Parfois, les parents qui ont eux aussi des doutes confieront leurs inquiétudes dans l’espoir d’être rassurés. Le rôle de l’assistante maternelle est alors de les écouter, et tout en confirmant qu’elle a remarqué la même chose (si tel est le cas), elle peut leur conseiller d’en parler à leur médecin, puéricultrice ou pédiatre.
(…) En aucun cas, l’assistante maternelle ne pourra, quelles que soient ses observations, poser elle-même un diagnostic et le donner aux parents, encore moins un pronostic! Elle ne peut que partager ses doutes afin d’éviter des non-dits et le sentiment de n’avoir pas tout fait pour l’enfant. C’est aux parents qu’appartient la décision de consulter, l’assistante maternelle ne peut rien faire de plus.
Apprendre le handicap de son enfant est une épreuve très douloureuse pour les parents et l’assistante maternelle peut faire face au déni parental. Elle ne pourra que respecter leur cheminement, parfois long, d’acceptation du handicap de leur enfant, sans jugement, et continuer à accompagner l’enfant dans son développement.
Dans tous ces cas, la situation peut être difficile à vivre pour la professionnelle qui ne bénéficie pas nécessairement (c’est notamment le cas des assistantes maternelles indépendantes) du soutien d’une équipe. Elle n’est cependant pas isolée car il est toujours possible d’en discuter avec la puéricultrice référente de la PMI ou avec l’animatrice du Relais petite enfance (RPE) si elle en fréquente un.
Avec les autres enfants et leurs parents
Lorsque l’assistante maternelle accueille un enfant en situation de handicap, elle peut se trouver confronter aux questionnements des autres parents, à leur curiosité et parfois aussi à leurs craintes. A elle de les rassurer sur le fait que l’accueil de ce nouvel enfant ne se fait pas au détriment de leurs enfants, en la monopolisant par exemple. Au contraire, cela peut être une richesse pour tous car ils vont découvrir l’altérité et apprendre la diversité.
Les enfants repèrent très tôt les différences et les ressemblances. (…) A leurs observations de la différence, les enfants associent très tôt des connotations, positives ou négatives, suivant ce qu’ils vont percevoir comme messages émanant des adultes… Si le message perçu est positif alors les différences sont vécues comme naturelles et l’altérité devient une richesse.
De cette expérience, de la façon dont ils vont la vivre, de la réponse apportée par l’entourage, dépendra en partie leur capacité future à rencontrer l’autre différent sans se sentir menacés…
Pour un accueil de qualité
Accueillir un enfant en situation de handicap ne présente pas de difficultés particulières dans la plupart des cas. Bien souvent, le discours populaire qualifie de « dévouement », « vocation », « courage », etc. le travail auprès d’enfants en situation de handicap… Dévouement? Certes, comme auprès de tout enfant que notre profession nous conduit à accompagner pour un temps plus ou moins long… Une vocation? Plutôt un choix professionnel! Du courage? Assurément!… Accueillir les enfants des autres, être leur tuteur de développement pour un temps puis les regarder s’en aller est loin d’être facile!
Néanmoins, quels que soient la bonne volonté et le dévouement de l’assistante maternelle, il est important de penser en amont à la qualité de l’accueil proposé à l’enfant. L’accueil de cet enfant-là, à ce moment-là, est-il compatible avec les capacités matérielles actuelles de la professionnelle ?
Il n’est pas toujours possible de répondre positivement à une demande d’accueil pour en garantir la qualité, autant pour l’enfant en situation de handicap que pour les autres enfants accueillis, ainsi que pour la professionnelle elle-même. Souvent, il suffit d’anticiper afin d’apporter les adaptations qui permettront de concrétiser l’accueil. Mais d’autres fois, heureusement plus rares, cet accueil ne sera pas possible…
Il est important que l’assistante maternelle ait conscience de ses limites, sans les sous-estimer, et puisse refuser un accueil, en expliquant le motif du refus aux parents, plutôt que de le commencer puis l’interrompre rapidement.
Ceci dit, penser en amont aux conditions de l’accueil permet aussi d’éviter des refus car prendre le temps d’identifier les besoins spécifiques, lorsqu’il y en a, et les éventuels obstacles, donne l’opportunité de les surmonter (…) et surtout de mieux préparer la venue de l’enfant. La préparation n’est pas que matérielle, elle est aussi psychologique. L’assistante maternelle doit penser à ses propres compétences, à ce qu’elle peut apporter à cet enfant(…) On ne le dira jamais assez, la confusion des rôles est préjudiciable à un accueil de qualité, chaque intervenant auprès de l’enfant a une fonction particulière, avec une mission particulière. Celles de l’assistante maternelle relèvent du maternage et de l’éducation du jeune enfant (éveil, socialisation, etc.) et en aucun cas de la réadaptation. (…)
L’accueil chez une assistante maternelle présente bien des avantages pour l’enfant en situation de handicap, car il permet à la fois une attention particulière, un accueil « familial » et une première socialisation en milieu dit ordinaire, avec d’autres enfants…