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- « L’équitation bienveillante », quelques années plus tard
Mardi 21 avril 2020, je relis avec beaucoup d’émotions mon texte paru sur le site « Enfant différent » de février 2013. Je le relis et je me dis : je n’y changerai rien ! J’ajoute petites subtilités que seules les années passées sur le métier peuvent apporter.
Je ne changerai rien à la ferveur qui m’anime quand je suis en séance de médiation équine, quand je suis en relation avec ces enfants, ces ados, ces adultes, ces mères et ces pères, ces accompagnants …
Ce cumul d’expériences je l’ai d’ailleurs rapporté dans un livre « Au-delà de l’équithérapie : comment les chevaux changent notre regard sur le handicap », afin de dévoiler ce qui se passe en séance quand la porte du manège se referme … mais aussi ce qui se passe en nous, dans l’intimité d’une relation à vivre pour ce qu’elle est et non pour ce que l’on voudrait qu’elle soit.
Tout est là, il n’y a rien à ajouter : l’attention bienveillante, l’importance de l’observation sans jugement, le développement du sensible, et tout ceci pour et grâce aux cavaliers qui continuent de me surprendre à chaque séance malgré les années qui passent : Pablo en équilibre sur son grand cheval noir, capable de lâcher ses mains et dont le visage est fendu jusqu’aux oreilles d’un large sourire, Flavien, au tir à l’arc, qui met quasiment toutes ses flèches dans la cible à la grande surprise de sa mère comblée d’admiration, Vanessa qui plonge son regard dans le mien et m’adresse -autant qu’à son cheval- un « au pas !», elle qui, d’ordinaire, est mutique, comme enfermée dans ses propres murs. A cheval Vanessa s’ouvre, nous laisse entrevoir un peu de son monde et accepte le temps d’un portage, d’un balancement au rythme du pas du cheval, d’entrer dans le nôtre.
Tout est là, il n’y a rien à ajouter et pourtant j’aurais aimé que certaines choses changent …
Ma pratique prend depuis plusieurs années une réflexion plus anthropologique ; comme les aventuriers du Kon Tiki qui voulaient prouver l’improuvable (que les habitants des îles pacifiques étaient partis des côtes du Pérou) et qui avaient pour cela une approche holistique que les spécialistes, chacun dans leur coin, réfutaient, je réalise ô combien l’accompagnement des personnes aux besoins spécifiques doit être pris dans sa globalité.
La place que prend la personne différente au sein d’une famille, d’un groupe social, d’une société est à mon sens à considérer sous l’angle de ce qu’elle y apporte et non seulement de sa normalisation.
J’ai tant appris de leur façon d’être au monde, de « relationner » souvent sans verbe, d’accepter radicalement pour s’ouvrir à une nouvelle notion de la liberté, de leur manière d’être en vivance , que je me dis que tout cela est à partager, à crier sur les toits même, pour réveiller un monde, certes adapté à ce que nous en avons fait, mais certainement pas (r)éveillé à la vie, au vivant !
Il y a quand même eu certains changements, surtout du côté de la profession : celle-ci s’est structurée avec la création notamment d’un syndicat (le SIPME : Syndicat InterProfessionnel des Médiations Equines) dont l’une des actions est de renseigner au mieux les familles sur les possibilités de pratique avec les chevaux autour de chez eux. Des formations ont été inscrites (ou sont en cours d’inscription) au RNCP (l’équicie notamment, et la Médiation Animale). L’intérêt pour la pratique est toujours en croissance, ce qui facilite les transversalités (de plus en plus de stagiaires se forment à la médiation équine ou l’équithérapie après des études infirmières, de psychomotricité, d’éducateur spécialisé, …).
J’ai aussi pu remarquer en dix ans de pratique que les institutions et associations qui soutiennent l’activité la maintiennent dans le temps et sont capables de remuer ciel et terre pour en avoir les moyens financiers. Récemment, lors d »une présentation publique, il m’a été demandé si je notais une meilleure implication du corps médical pour soutenir ce type de pratique. Je n’ai bien sûr pu y répondre que de mon point de vue, qui est celui de l’expérience de terrain, par laquelle je ne cotoie finalement que des personnes convaincues de la pratique puisqu’elles y participent ou permettent à des patients d’y participer. Il est cependant un fait observable : toute personne, qu’elle soit chef de service, médecin ou autre professionnel, venue expérimenter sur le terrain ce qu’il s’y passe, réalise les enjeux d’une séance (autant pour la personne concernée que pour elle-même d’ailleurs !). Alors oui, des connexions se font. Je reçois de plus en plus de demandes adressées par le corps médical (par exemple de la part de psychiatres pour le suivi en individuel de personnes venues au départ en groupe avec l’institution).
Il y a donc bien une volonté de dépasser les seules spécialités professionnelles de chacun et de mettre en commun les apports des uns et des autres pour un mieux être global.
Un mieux être qui dépasse d’ailleurs celui du seul protagoniste de départ car, et cela aussi je le vérifie tous les jours, l’impact des séances n’est rien s’il n’est relayé par les professionnels qui accompagnent aux autres intervenants et aux familles, s’il n’est redistribué jusqu’en dehors même du champ professionnel.
Tout est dans le lien
le lien entre nous -professionnels, familles, enfants, jeunes et moins jeunes venus en séance- mais aussi le lien que nous ferons avec d’autres aspects de nos vies c’est à dire au-delà de nos soi-disant rôles. Tout est dans ce lien qui nous unit en respectant nos différences, car c’est grâce à ces différences que nous pouvons être uniques et que nous pouvons grandir ensemble.
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